Agriloving – L’édito de Christophe Bonnefoy
Les agriculteurs souffrent d’agribashing, nouveau terme très à la mode mais qui résume néanmoins à lui seul leur mal-être. Pour ne pas dire leur détresse. Ainsi, seraient-ils coupables de tout. Des pesticides dans nos radis. Des odeurs insupportables au moment du sacro-saint barbecue. Suspects. Toujours suspects. Ils ne respecteraient pas les règles, vivraient allègrement des aides européennes. Pour s’en mettre plein les poches, bien sûr ! Rendez-vous compte : leurs tracteurs sont aujourd’hui de véritables monstres de technologie, avec clim et GPS. Le bonheur !
Et pourtant… Et pourtant, le nombre de suicides au sein de la profession n’a jamais été aussi élevé. Les revenus, pour la grande majorité des paysans, flirtent avec l’indécence, quand ils n’ont pas déjà atteint le seuil de l’insupportable.
Le Salon de l’agriculture, qui s’ouvre aujourd’hui, est la vitrine du monde rural. Tout y sera parfait. Beau, appétissant, excellent. Mais cette magnifique vitrine masquera en partie les maux qui rongent ceux qui tenteront de continuer à survivre, une fois rentrés dans leur campagne. Ses allées verront passer pas mal d’hommes et femmes politiques. Là aussi, on tentera, surtout à l’approche des élections municipales, de caresser les simmentals – et leurs propriétaires – dans le sens du poil, à coups de promesses.
Mais si, pour une fois, on prenait réellement conscience que le monde agricole nous apporte beaucoup plus que ce qu’il nous coûte ? Qu’une tomate cultivée dans nos contrées n’a absolument rien à voir avec une autre, moins chère certes mais aussi largement moins bonne, importée d’Espagne ? Qu’on savoure une viande haut-marnaise, quand on ne fait qu’engloutir mécaniquement une autre, d’autre part, sans saveur ? Et si l’agribashing, tout bêtement, se transformait comme par magie en son contraire, l’agriloving ?