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Affaires familiales : le bâtonnier tire la sonnette d’alarme

Damien Wilhelem s’inquiète de la dégradation 
du temps de réponse en matière d’affaires familiales.

Déterminer le lieu de résidence d’un enfant, organiser les droits de visite ou fixer le montant d’une pension alimentaire sont autant de priorités du quotidien pour de nombreux parents séparés. Les avocats haut-marnais s’inquiètent de l’allongement du temps de traitement des dossiers relatifs aux affaires familiales.

Bâtonnier du Barreau de Haute-Marne, Damien Wilhelem ne tarde pas à définir la nature et l’ampleur du problème. « Concrètement, le Tribunal judiciaire compte deux juges aux affaires familiales traitant des contentieux de la vie de tous les jours, notamment des questions relatives à la fixation du lieu de résidence d’un enfant ou de la fixation d’une pension alimentaire. De façon chronique, depuis maintenant deux années, un seul poste est pourvu, le second poste est pourvu via un magistrat placé, un magistrat remplaçant. Pour des raisons personnelles, un de ces deux juges est absent, comme le magistrat remplaçant n’est plus présent, il n’y a logiquement personne pour le remplacer. »

« Le fonctionnement s’est dégradé »

« Le contentieux du droit de la famille est thrombosé dans le sens où les requêtes déposées aujourd’hui donnent lieu à une convocation fin février pour une décision fin avril. Quand un couple se sépare, il faut attendre quasiment un an pour fixer une pension alimentaire ou de déterminer la résidence d’un enfant ».

Cette carence est susceptible de favoriser l’accentuation de tensions au sein de couples confrontés à la difficulté d’une séparation. « La Haute-Marne est un département où le fléau des violences intrafamiliales est assez marqué comme l’indiquent des statistiques, ce qui peut s’expliquer par la sociologie de la population, le département compte par exemple de nombreuses familles dans une situation de revenus tendue. Un plan national de lutte contre les violences familiales a été lancé, des pôles spécialisés doivent être créés, la priorité me semblerait être de traiter les questions familiales dans des délais raisonnables afin de ne pas générer une tension pouvant mener à des situations tragiques. Le discours national est très volontariste, le budget alloué au ministère de la Justice augmente, mais en Haute-Marne, nous notons un effet inverse, le fonctionnement s’est dégradé ces deux dernières années. Les situations conflictuelles s’enveniment lorsqu’elles ne sont pas réglées rapidement. La justice de la famille, c’est pour tout le monde, un couple sur deux se sépare, quand un couple a un ou plusieurs enfants, il semble prioritaire de régler des questions concernant directement les enfants », souligne Damien Wilhelem.

Nous faisons de la pédagogie

La situation est-elle appelée à évoluer favorablement ? « Nous travaillons main dans la main avec magistrats et greffiers, ils font le maximum, il manque des magistrats mais les effectifs de greffe sont également tendus. Nous, avocats, faisons de la pédagogie, nous expliquons, nous recherchons des accords mais dans de nombreux cas, ces accords ne peuvent aboutir, il est alors compliqué d’expliquer à une femme, par exemple, qu’aucune pension ne lui sera versée pendant un an. Nous craignons de ne pas revenir à un effectif normal au mois de septembre, nous sommes donc particulièrement inquiets », répète le bâtonnier.

T. Bo.

Dégradation générale


« La dégradation du traitement des affaires familiales renforce une sensation d’éloignement et de dégradation des services publics », constate Damien Wilhelem. Des moyens financiers et humains ont été alloués. « La problématique des effectifs ne peut pas se régler du jour au lendemain, il faut du temps pour former des magistrats, il faut des candidats, aussi. La manière dont les effectifs sont alloués nous pose par ailleurs question, les moyens sont peut-être donnés à de grosses juridictions au détriment de petites ».
Le bâtonnier s’inquiète des effets sur le département d’un « mouvement global ». « Ce mouvement renvoie à l’avenir Bureau d’aide juridictionnel. Il y avait jusqu’à présent un bureau par juridiction, ces bureaux devraient être regroupés dans les Cours d’appel au 1er juin. “Plus gros, ça marchera mieux”, ce discours ne se vérifie pas dans de nombreux cas. A Chaumont, le Bureau d’aide juridictionnel fonctionne très bien. Regrouper à Dijon les bureaux des juridictions rattachées à la Cour d’appel de Dijon veut également dire que la communication électronique va être privilégiée au contact humain ».


« Barrière numérique »


Les nouvelles technologies offrent des opportunités. Dans certaines limites. « La barrière numérique est importante en Haute-Marne, notamment chez les personnes plus en difficulté, les personnes recourant justement à l’aide juridictionnelle. On imagine que les jeunes ne sont pas concernés par la barrière numérique, qu’ils savent tout faire avec un téléphone, ce n’est pas le cas de certains. Ces personnes pouvaient pousser la porte du tribunal, rencontrer une personne à Chaumont. On pourra toujours déposer des documents, le tribunal Chaumont ne sera qu’une simple boite aux lettres. (…) Quand on habite à Saint-Dizier, se déplacer à Chaumont est déjà compliqué pour beaucoup, des choses ont été faites en matière d’accès au droit, notamment, mais la qualité de la réponse s’est sans dégradée. (…) Tout tient grâce à des fonctionnaires d’une grande qualité, certains sont soumis à des conditions de travail qu’on n’accepterait pas dans le privé, il manque un magistrat et trois ou quatre personnels de greffe, l’équilibre tient à peu de moyens mais ces moyens, nous ne les avons pas. Nous avons perdu quelque chose à Langres avec la fermeture du Tribunal d’instance, nous regrettons également pour les dossiers les plus graves que l’instruction se passe à Dijon, nous nous inquiétons désormais du traitement des affaires familiales et d’un véritable maintien de l’accès à l’aide juridictionnelle dans un département rural où de nombreuses personnes en situation de précarité souffrent d’une forme d’éloignement ». Au sens propre comme au figuré.

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