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Affaire Grégoire-Leblanc – 4ème journée

Seize ans de réclusion pour Francis Grégoire

Niant toute implication dans le braquage de la bijouterie Donadel, Francis Grégoire a été condamné à seize ans de réclusion. Reconnaissant son implication, Christophe Blanc a été sanctionné d’une peine de dix ans de prison ferme.

 

Niant toute implication dans le braquage survenu le 11 juin 2009 au cœur du centre-ville de Chaumont, Francis Grégoire aura veillé à se poser en personnage central d’un dossier pollué par l’attitude outrageante d’une petite frappe sans envergure. Après s’être lacéré les veines et avoir invité sa nièce à dissimuler un téléphone portable dans les toilettes du tribunal, pathétique, Fabrice Grégoire s’est à nouveau illustré, mercredi soir, la chambre médicalisée réservée à l’accusé résonnant des cris d’un homme en rupture. Sous surveillance permanente, Francis Grégoire se serait volontairement éclaté la face sur l’arrête d’un mur. Trois points de suture furent posés. Au petit matin, de retour en salle d’audience, l’accusé aura dénoncé des violences policières. Nul n’osait croire en un acte malveillant, président de la cour d’assises, fonctionnaires de police et personnels du centre hospitalier de Chaumont ayant veillé à un strict respect des droits d’un accusé peinant à respecter ses propres devoirs.

Le procès pouvant enfin suivre son cours. Appuyant ses réquisitions sur les aveux des accusés, l’avocat général Bellet requérait respectivement «deux à trois ans», «trois à cinq ans» et «douze à quinze ans» de réclusion à l’encontre de Naldo Laino, Fabrice Dupiré et Christophe Blanc. Persuadée de la culpabilité de Francis Grégoire (lire ci-dessous), la représentante du Ministère public appelait la cour à condamner l’accusé à une peine de «quinze à dix-huit ans». Quelques heures plus tard, l’avocat de Francis Grégoire tentait d’immiscer dans les esprits de magistrats et jurés. «Seules des preuves objectives peuvent permettre de condamner un homme. Avez-vous ces preuves ? Francis Grégoire était à Chaumont entre 3 h 36 et 11 h, ce sont les seules preuves matérielles à votre disposition. Les témoignages ne sont que du vent, de simples paroles.»

«Fragilité des aveux»

L’avocat de l’accusé poursuivait sa plaidoirie en se référant à un certificat médical attestant de la virginité de la nièce de l’accusé. «Tout a été fait pour noircir le personnage d’un oncle malveillant couchant avec sa nièce, cette jeune femme avait indiqué avoir des relations sexuelles avec son oncle en garde à vue, mais Patrick Dils avait affirmé avoir tué deux enfants ! Cet exemple atteste de la fragilité des aveux et des témoignages. (…) Francis Grégoire en rajoute sans doute un peu, mais il est bel et bien malade. (…) Mon client a dit tout et son contraire, mais il prend des médicaments. (…) Ce procès me revoie à la fable du Lion devenue vieux de Jean de La Fontaine, tout le monde est venu vomir sa haine pour cet homme. Vous devez juger monsieur Grégoire pour ce qu’il a fait et non pour ce qu’il est ! Quand la justice ne croit plus en l’homme, on ne parle plus de justice, mais de haine et de violence.»

A 21 h 20, le président Theuret rendait les décisions de la cour. Déclaré coupable de vol avec arme, séquestration, extorsion et escroquerie, Francis Grégoire a été condamné à quinze ans de réclusion criminelle. Une peine de dix ans sanctionnait Christophe Blanc. Condamné à trois ans de prison dont 24 mois assortis d’un sursis avec mise à l’épreuve, Fabrice Dupiré accompagnait les condamnés en maison d’arrêt. Sanctionné d’une peine de deux ans de prison dont douze mois avec sursis, Naldo Laino pourra profiter d’un aménagement de peine. Le procès s’achevait sur une note heureuse, le président Theuret notifiant à Lydie Donadel la restitution d’un collier de perles par son défunt époux.

 

De lourds traumatismes

Après avoir témoigné d’éléments troublants survenus quelques jours avant l’agression perpétrée à son encontre (notre édition d’hier), Lydie Donadel a fait état du profond et inaltérable traumatisme. «J’ai été flanquée par terre, j’avais été opérée à deux reprises de la hanche, à l’époque je marchais sans canne, depuis je souffre et vis dans une peur perpétuelle, soulignait la victime, âgée de 78 ans au moment des faits. J’ai la trouille tous les matins lorsque j’ouvre ma porte pour aller chercher mon journal. J’avais un cancer, ils ont forcément vu que j’étais malade, mais ils n’ont pas hésité à me flanquer par terre et à m’attacher.» Le témoignage de la mère de Bernard Donadel était étayé par les conclusions d’un certificat médical attestant d’une série d’hématomes. Attachée au pied d’une table, bâillonnée et menacée de mort, Lydie Donadel s’est également émue du vol de bijoux offerts par son époux, décédé quelques années avant la survenance des faits.

«Les victimes ont droit à la vérité»

Les premiers mots de la belle-fille de Lydie Donadel renvoyaient à la sinistre attitude de Francis Grégoire. «Je suis atterré, quand on fait des bêtises, on assume, les victimes ont droit à la vérité, soulignait Séverine Donadel. Les aveux de Christophe Blanc font chaud au cœur, mais les blessures ne se refermeront jamais. (…) J’ai vu ma vie défiler, je me suis demandé si ma belle-mère n’était pas décédée.» Ligotée à l’aide de ruban adhésif, Séverine Donadel a souffert de longs mois de la violence de la séquestration. Touchée à une épaule, sous morphine, réduite à être habillée et lavée par son mari pendant de longs mois, la bijoutière aura subi une opération. Trois ans après les faits, Séverine Donadel ne peut mouvoir son bras droit comme bon lui semble.

Comme l’a attesté un expert, les victimes souffrent également d’un profond sentiment de culpabilité. «A un moment, l’arme était à terre, j’aurais pu me sauver», soulignait Séverine Donadel. Membre d’un jury professionnel le jours des faits, son mari faisait partager son regret de ne pas avoir été présent aux côtés de sa mère et de son épouse le jour du braquage.

Les témoignages des victimes auront également permis d’alimenter le large faisceau de présomptions pesant sur Fabrice Grégoire. Séverine Donadel a pu décrire avec une infinie précision des baskets boueuses portées par un des agresseurs. Une paire similaire sera retrouvée au domicile de Francis Grégoire…

 

Extraits de la plaidoirie de Me Michel

«Pensez aux victimes»

Me Michel (avocat de Lydie, Séverine et Bernard Donadel) : «Vos décisions devront être justes pour les accusés comme pour les victimes. (…) Mon rôle n’est pas de requérir des peines, mais je vais vous donner mon sentiment, le sentiment des victimes. Il y a du bon et du mal chez tous les hommes, monsieur Dupiré reconnaît et assume ses actes, mais il s’abrite derrière son passé et son statut de personne venant en aide aux SDF. J’ai perdu mon père à l’âge de neuf mois, perdre son père dans son enfance arrive à des tas de gens, mais ces personnes ne se retrouvent pas toutes devant une cour d’assises. (…) Monsieur Laino reconnaît également les faits, il savait que les montres provenaient du braquage de la bijouterie Donadel, mais comment puis-je l’entendre dire qu’il a abordé un inconnu pour lui vendre une centaine de montres pour 200 €. Qui peut le croire ? Je veux bien vous croire monsieur lorsque vous dites penser chaque jour à cette affaire, mais je vous rassure, il n’est pas un jour ou une nuit où les victimes ne pensent pas à ce qu’elles ont enduré !»

Vies brisées

«Blanc reconnaît également les faits, c’est un soulagement pour les victimes, mais aveux et excuses n’effacent pas tout. Vous vous dites nerveux, cet élément m’inquiète, je ne peux pas m’empêcher de m’interroger sur votre réaction si votre plan ne s’était pas déroulé sans accroc ! (…) Vous avez déclaré “moi, le moral, il est impeccable”, j’ai vu les victimes sursauter à cet instant, les consorts Donadel, eux, sont toujours profondément marqués par le braquage que vous avez perpétré. (…) Monsieur Grégoire est le seul à nier. Un tes d’éléments l’accusent et je ne vois pas comment il ne pourrait pas être reconnu coupable. (…) Je vous trouve pitoyable, j’ai été atterré par votre comportement, vous n’êtes même pas un voyou monsieur Grégoire ! Vous avez commencé par briser votre vie, puis celle de votre famille, celle de votre propre nièce, vous avez brisé cette gamine et vous avez brisé la vie des consorts Donadel ! Votre attitude est consternante, vous continuez à piétiner les victimes. Derrière une banque ou une bijouterie, il y a des vies. Lydie Donadel a la trouille depuis trois ans, elle reste cloîtrée chez elle. (…) Il faut s’imaginer se retrouver un pistolet sur la tempe, il faut s’imaginer être victime de multiples menaces de mort ! (…) Les victimes ne vous demandent pas vengeance, elles vous demandent justice. (…) Comment Francis Grégoire peut-il se retrouver dehors avec autant de condamnations, les victimes peuvent s’interroger. (…) Vous allez prendre des décisions concernant les accusés, mais également les victimes. Pensez à elles !»

 

Extraits du réquisitoire

«Ne vous laissez pas berner»

Avocat général Bellet : «En préparant ce dossier, je me suis souvenu d’un film où Edward Norton se sert de son handicap afin de se faire embaucher dans un bureau des Douanes avant de dérober un objet précieux. Dans ce film (The Score, Ndlr), la personne handicapée est plutôt sympathique ! (…) Ce braquage a très clairement été préparé. (…) Blanc avait acheté un cagoule afin de faire un sale coup, il savait ce qu’il allait faire avec le Chatterton, il a utilisé du fond de teint afin de dissimuler ses tatouages. Le braquage a eu lieu le 11 juin 2009, pas le 10 ou le 12, mais le 11 parce que Francis Grégoire disposait de deux alibis : il était placé sous bracelet électronique et il pouvait s’absenter de son domicile puisqu’il devait comparaître devant la cour d’appel de Nancy pour une affaire de stupéfiants. (…) Grégoire et Blanc ont attendu deux heures dans un cagibi, ils auraient pu réfléchir et renoncer, ça n’a pas été le cas. Ils auraient pu partir lorsqu’ils ont vu sortir Lydie Donadel, cette personne âgée, si fragile. Ils ont préféré la trainer au sol, la ligoter et la bâillonner.»

Eléments à charge

«La culpabilité de Francis Grégoire est claire. Blanc le désigne et ses déclarations sont corroborées par de nombreux éléments. Francis Grégoire est à Chaumont le 11 juin comme le prouve la téléphonie, il reconnaît avoir enlevé son bracelet et sa nièce sait qu’il est à Chaumont. Les braqueurs se rendent à Biesles après le braquage, les cafetiers de ce village se verront présenter 50 photos et ils reconnaîtront formellement Blanc et Grégoire ! (…) Après le braquage, Grégoire contacte la compagnie d’assurance des bijoutiers et il revendique le braquage lors de cet appel. Comment aurait-il pu s’engager à restituer la totalité du butin si les bijoux n’étaient pas en sa possession ? Quand Grégoire est placé en détention, Blanc et Dupiré continuent à lui verser sa part du butin. Si Grégoire n’a pas participer au braquage, pourquoi continuer à lui verser de l’argent ? Grégoire s’est vanté d’avoir commis le braquage auprès d’un de ses co-détenus et des conversations troublantes l’incriminent.»

Portait d’un manipulateur

«J’ai essayé de chercher une chose positive chez Francis Grégoire, je n’en ai pas trouvé une seule. (…) Personne n’a été dupe. Certes, Grégoire est malade, des tests génétiques ont été effectués, mais il se sert de cette situation. (…) Grégoire a fait condamner l’Etat du fait de son handicap pour le non respect de conditions carcérales, il ne pourrait pas se servir de ses mains, mais il a pris des notes tous les jours comme chacun a pu le voir. (…) Cet homme est un manipulateur, il affiche un désintérêt monstrueux pour sa nièce. Il est nécessaire de l’éloigner durablement de la société, il a berné la justice et la médecine, aujourd’hui, la justice, c’est vous, ne vous laissez pas berner !»

 

Plaidoirie de Me Gavignet

«Une plante au milieu d’un désert»

«Mesdames et messieurs les jurés, vous êtes des faiseurs de vie» : l’introduction de la plaidoirie de Me Gavignet, conseil de Fabrice Dupiré, aura marqué la teneur d’une brillante allocution. Veillant à écarter la nature des faits imputés à un client au lourd passé judiciaire, l’avocat dijonnais a veillé à revenir sur le passé et l’investissement associatif d’un homme au parcours singulier. «J’ai bataillé avec mon client afin de pouvoir parler de son investissement auprès de sans-abris, il ne voulait l’évoquer de peur de porter préjudice à l’association. (…) Monsieur Dupiré est surnommé Cactus, au début, j’ai pensé à une analogie de pure forme, puis j’ai pensé à une vie en milieu aride, à un cuir épais, à une plante au milieu d’un désert, une plante capable de donner une fleur et un fruit, lançait l’avocat. Vous aurez obligation de faire application du principe de personnalité, vous devez juger un homme, un accusé marqué par non pas par l’absence, mais par l’inexistence d’un père, un homme sans tête, un homme dont le visage est apparu à Fabrice Dupiré cinquante ans plus tard, au décès de sa mère, au hasard de la découverte de photographies. (…) Tout comme moi, vous êtes incapables d’imaginer sa vie, mais vous êtes capables de savoir ce que vos parents ont pu vous apporter. Il est difficile de vivre quand on ne s’aime pas. Les hommes s’achètent et les hommes se jettent, monsieur Dupiré a tiré profit de ce qu’il a vécu, il est capable de comprendre les personnes qu’il accueille dans son association et il donné un sens à sa vie en s’investissant afin d’aider des personnes en difficulté.» Me Gavignet se sera également attaché à écarter toute connaissance de l’origine des bijoux. «Dupiré a été berné par Grégoire comme les médecins ont été bernés, affirmait l’avocat. Vous êtes des faiseurs de vie, monsieur Dupiré ne vous a pas attendu pour changer de vie, permettez lui de continuer à avancer et à aider les autres à avancer.»

 

Plaidoirie de Me Tribolet

Une sincère tristesse

Assurant la défense de Christophe Blanc depuis plusieurs années, Me Tribolet a fait partagé à magistrats et jurés une sincère et vive tristesse. «Quand j’ai appris qu’il s’agissait de Christophe Blanc, j’ai été submergé par la tristesse, je connais Christophe depuis longtemps, je l’avais défendu et n’avais plus entendu parler de lui pendant quatre ans, soulignait l’avocat. Christophe est une personne qu’on n’oublie pas, ce regard prolongé par des tatouages en forme de larmes ne s’oublie pas, je me demandais souvent ce qu’il pouvait devenir. J’avais conservé le souvenir d’un gamin attachant, un écorché vif à qui on aimerait apporter son aide.» S’inclinant devant la dignité des victimes, Me Tribolet réfutait toute préparation du braquage et ramenait la violence des faits à une juste proportion. «Je ne peux m’empêcher d’avoir une certaine compassion pour Blanc, cette homme a du cœur, il se lève comme un homme et admet ce que d’autres non jamais admis. (…) Christophe ne s’est jamais apitoyé sur son sort, il ne s’est jamais retranché derrière sa terrible enfance, mais cet homme est devenu ce qu’on a fait de lui !» Tombé sous le joug de la néfaste influence de Francis Grégoire, Christophe Blanc serait monté au braquage afin de pouvoir éloigner sa compagne de Chaumont. «La femme de Christophe a été victime d’un viol, ce crime a donné lieu à une condamnation à douze ans de prison, le condamné a été libéré et il est venu s’installer à Chaumont. La compagne de Christophe a rencontré son agresseur et elle a tenté de mettre fin à ses jours. Christophe voulait partir pour échapper à cette situation et il a décidé de faire un coup afin d’avoir de l’argent.» Etonné par des réquisitions «excessives», Me Tribolet invitait la cour à ne pas «détruire» un homme assumant pleinement sa responsabilité.

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