Affaire André – 2ème journée
«Je ne savais pas que l’arme était chargée»
Disert quant au déroulement du drame survenu le 23 avril 2010, Bruno André a réfuté toute intention volontaire d’attenter aux jours de Véronique Nageotte, hier, au cours d’une deuxième journée de procès marquée par de lourdes révélations. Juges et jurés ont été plongés dans un univers particulièrement lourd au cours de débats éprouvants.
Visage bouffi, ventre rebondi, veste beige et chemine verte, Bruno André s’avance sous bonne escorte dans le box réservé aux accusés. Invité à décrire les contours d’un amour naissant, l’accusé se lance dans un long monologue. «Nous travaillions ensemble, nous avons entretenu une relation amicale, puis nous nous sommes rapprochés. Je l’aimais et elle m’aimait. Les trois premiers mois ont été formidables», souligne le quadragénaire. Marqués par des parcours difficiles, les deux tourtereaux se prennent à rêver d’une nouvelle vie. «Elle avait retrouvé ses quinze ans», confiera une collègue de Véronique Nageotte (née Sichler). Homme et femme filent le parfait amour sous le même toit. En cours de procédure de divorce, Véronique Nageotte perçoit de premières difficultés, Bruno André refusant d’accueillir une des filles de sa compagne.
Les disputes ne tardent pas à se multiplier entre une femme dépressive et un homme en situation d’alcoolo-dépendance. Le 23 avril 2010 marque l’épilogue d’un véritable naufrage sentimental. «Nous sommes partis à Langres, j’avais un rendez-vous à Pôle emploi puis nous avons été faire des courses avant de rentrer, se remémore Bruno André. Je me suis assoupi dans le canapé et j’ai entendu du bruit. Véronique avait mis le feu à la voiture. J’ai éteint l’incendie à l’aide d’un extincteur et de plusieurs sauts d’eau. J’ai retrouvé Véronique dans la cuisine. Elle était assise et ne disait rien. J’avais été brûlé au visage et j’ai été chercher de la Biafine dans un meuble situé dans l’entrée. Je me suis mis de la crème et j’ai pensé à l’arme. J’ai ouvert le deuxième tiroir, j’ai pris le revolver et je suis retourné dans la cuisine.»
«J’ai voulu lui faire entendre le “clic”»
La suite ? Dramatique et incertaine… Affichant un taux d’alcoolémie supérieur à 1,7 gramme d’alcool par litre de sang, Bruno André gesticule arme en main avant de pointer son arme en direction de Véronique Nageotte. «Je voulais lui faire faire peur, lui faire entendre le “clic”», confiera l’accusé à un des enquêteurs. Le projectile touche en phase descendante le haut du crâne de la victime. «J’ai été tétanisé par la détonation, souligne l’accusé. Je ne savais pas que cette arme était chargée. J’avais montré à Véronique comment la charger. Ça ne peut être qu’elle !» Les affirmations de Bruno André suscitaient les interrogations des avocats de la partie civile et de l’avocat général. Les questions fusaient. «N’avez pas vu que le chien était en position de tir», questionnait le procureur Clémençon. «Non, je n’ai rien vu. Elle avait certainement chargé l’arme pour tuer un renard s’en prenant à ses poules», répondait Bruno André. Les explications de l’accusé laissaient l’avocat général dubitatif. Le procureur Clémençon allait jusqu’à exprimer de sérieux doutes quant à la scène de crime décrite par Bruno André. La victime était-elle assise ? La question renvoyait aux premières déclarations de l’accusé. Ce dernier avait ainsi affirmé avoir voulu tirer au dessus de la tête de Véronique Nageotte. La victime se serait alors levée, la balle la frappant en plein front. Assis au premier rang, William Nageotte et ses enfants n’avaient toujours trouver réponses à d’obsédantes questions au terme d’une deuxième journée particulièrement éprouvante.
L’inceste en toile de fond
La lecture d’un procès verbal de synthèse a plongé l’assistance dans un profond effroi. Aux lendemains du drame survenu à Brennes, les enquêteurs se penchent sur le parcours de la victime. Les investigations font rapidement état d’une relation incestueuse entretenue depuis plusieurs décennies entre Véronique Nageotte et son père. La victime avait ainsi confié à Bruno André avoir été «violée à l’âge de 18 ans». Collègues de travail et proches étaient également dans la confidence. L’époux de la victime a décrit un climat familial particulièrement pesant. Le mari a ainsi été témoin d’un rapport sexuel entre son épouse et son beau-père en 2001. Indissociable du profond état dépressif de la victime, la situation était connue de la famille de Véronique Nageotte. Invitée à se présenter à la barre, la mère de la défunte a eu des mots particulièrement durs à l’encontre de sa fille. «Elle était complètement consentante, son père était son deuxième mari, lançait la sexagénaire avant d’évoquer le décès de sa fille. Elle avait un mauvais caractère, j’ai prévenu Bruno, mais il n’a pas voulu m’écouter. Elle pouvait être très gentille et avoir des colères qu’elle ne maîtrisait pas. Je ne sais pas comment tout s’est passé, mais je dis que la faute est à 50-50 !» Véronique Nageotte n’est plus. Bruno André a la vérité en lui. Seules de tardives révélations pourraient lever le voile sur les circonstances exactes du décès d’une mère de famille meurtrie avant l’âge.
«Un maniement complexe»
Eminent expert en balistique, Jean Rochefort a livré plusieurs éléments déterminants au cours d’une intervention de haute tenue. Le balisticien s’est notamment attaché à décrire le revolver utilisée par Bruno André. «Une arme dotée d’un barillet à six coups est classée parmi les armes de quatrième catégorie, mais il a longtemps été possible d’acheter un revolver à un coup en présentant une simple pièce d’identité. Ce type d’arme est donc assez courant», a souligné le professeur. Jean Rochefort a détaillé avec une infinie minutie le fonctionnement du “Single colt” utilisé par l’accusé. Une arme au «maniement relativement complexe», de nombreuses manipulations précédant la phase de tir. Afin de glisser une munition de 22 Long Rifle dans l’unique chambre de l’arme de poing, l’utilisateur doit ainsi placer le marteau à un cran intermédiaire et faire tourner le barillet d’un quart de tour. Le marteau doit ensuite être basculé avant que le tireur puisse écraser la queue de gâchette. «Manipuler cette arme n’est pas donné à tout le monde, il faut intégrer un certain nombre de choses avant de pouvoir l’armer», a souligné Jean Rochefort, l’expert excluant ainsi l’hypothèse d’un chargement assuré par une personne étrangère à une parfaite connaissance des armes à feu. Le professeur a également battu en brèche un élément soutenu par la défense. «J’ai réalisé près de 600 reconstitutions criminelles et je ne peux ni croire ni penser que monsieur ait pu prendre l’arme sans constater qu’elle était chargée», a affirmé l’expert.