A Saint-Dizier, les producteurs inquiets de leur devenir au marché
Le nouveau marché couvert ouvrira ses portes à l’été 2022. Les petits producteurs attendent l’événement avec expectative, redoutant des tarifs d’occupation très élevés.
Dans quelques mois, grâce au nouveau marché couvert, Saint-Dizier va enfin se doter d’un vrai lieu de vie, où l’on pourra discuter, boire un verre et faire ses courses avec des produits frais et locaux. Viande, fromages, miel, fruits, légumes fraîchement cueillis par les maraîchers feront le bonheur des amoureux des marchés. Enfin… Si les producteurs sont bien là, car l’incertitude prédomine quant à leur présence. En cause, un manque d’informations sur leur devenir et, surtout, la crainte de loyers exorbitants.
Opposés à une ouverture quotidienne
Robin Radouan, apiculteur à Savonnières-en-Perthois, et Nadine Larique, éleveuse de chèvres à Cousances-les-Forges, sont d’accord pour intégrer le marché couvert, mais pas à n’importe quel prix. « On attend de savoir s’il faut mettre la main au porte-monnaie, d’autant qu’on ne connaît pas le taux de fréquentation. Ici, depuis le 15 juin, mes ventes ont baissé de 30 %, alors je m’inquiète. Les gens vont peut-être venir au début dans le nouveau marché, par curiosité, mais après ? », s’interroge l’apiculteur.
Sa comparse Nadine Larique souligne un autre problème : « Ils veulent ouvrir tous les jours mais, quand on est producteur, on ne peut pas se permettre de venir sans cesse, d’être dans les champs et à la vente ». « Ou alors, il n’y aura plus que des produits provenant de Rungis », déplore Robin Radouan, qui craint également « une dilution de la clientèle sur la semaine et donc on fera un demi-marché ». « Si c’est pour venir acheter une salade et deux tomates parce que les gens passent comme ça, je ne gagne pas ma journée », renchérit un maraîcher, opposé lui aussi à une ouverture quotidienne. « Ça m’étonnerait que ça marche tous les jours », lance Noël Lisambert, assuré d’être au marché couvert car il aura une cellulle en tant que maraîcher fleuriste. « Et les petits producteurs qui ont un stand de 2 m, si le prix est trop élévé, ils ne viendront pas », dit-il avec solidarité.
Sébastien Burnel, président de l’association Super Fermier, est lui aussi sceptique. On lui a proposé d’ouvrir un nouveau magasin de producteurs mais « si on nous demande 3 000, 4 000 € de loyer, ça va bloquer. Les producteurs ne sont pas fermés à l’idée, il faut voir les tarifs. En plus, si on doit ouvrir tous les jours, cela signifie salarier deux maraîchers pour 70 ou 60 heures par semaine. On a une marge de 12 % sur nos produits (plus faible que des boutiques du même secteur, ndlr), alors notre modèle économique ne sera plus viable », prévient l’agriculteur.
Manque d’information
Des inquiétudes qui ne font que se multiplier, faute d’informations. « J’ai demandé au placier, en septembre, ce qu’il en était. Il m’a répondu qu’il y aurait soi-disant une réunion mais on n’est tenu au courant de rien », explique Robin Radouan. D’ailleurs, il ne savait même pas que l’un des agriculteurs présents au marché est leur représentant pour le projet du marché couvert. Ce dernier n’a pas répondu à nos sollicitations. La réunion entre commerçants et municipalité, prévue mi-octobre, a finalement été décalée de quelques semaines.
« Personne ne vient prendre notre ressenti », résume l’apiculteur, avec le sentiment d’être laissé de côté par la municipalité.
mh.degaugue@jhm.fr
Marie-Hélène Degaugue
Adapter l’offre aux producteurs
Sollicitée au sujet du manque d’informations, la municipalité a répondu qu’elle n’avait pas encore tous les éléments pour communiquer car « si le délégataire de service public a été sélectionné, Géraud France, nous sommes en cours de négociation, rien n’est calé » ; c’est-à-dire ajuster dans les détails ce qui figure déjà dans le cahier des charges. Par ailleurs, une réunion « de concertation est prévue fin octobre, début novembre avec les commerçants pour en parler d’abord avec les premiers intéressés », annonce Rachel Blanc, première adjointe aux commerces.
Quant aux craintes des producteurs, « nous devons être hyper agiles dans notre offre, envers les commerçants qui ne pourront pas être là sur trois ou quatre jours. Lors de la réunion, nous allons définir les jours et les horaires en concertation avec eux. Nous sommes aussi attentifs aux tarifs, il sont pris en compte dans les négociations. » Le futur marché couvert, considéré comme « la locomotive du centre-ville avec une offre diversifiée », devra donc adapter sa vingtaine de cellules au fil de la semaine.