A Saint-Dizier, les habitants férus du grattage et du tirage
Quel que soit l’âge et le revenu, à Saint-Dizier, on adore jouer. Un phénomène qui ne fait qu’augmenter avec les années. Rencontres dans un bureau de tabac.
Depuis qu’elle est buraliste, Lily Kapfer en voit passer. Des « gratteurs », des « cocheurs », des joueurs de 18 à 77 ans qui passent une fois, trois fois, quatre fois, par jour, par semaine au bureau de tabac La Civette, situé rue Gambetta. Motivés par la passion, l’addiction, l’espoir du gain, ils traquent le bon carton, le bon chiffre, le bon pronostic. Christophe vient chercher son « petit plaisir » tous les jours. Ce Bragard s’y rend avant le boulot, à la pause de midi, puis à 14 h. Il achète un carton à gratter, un instant « de plaisir ». Quant à l’argent dépensé, Christophe assure que « ça s’équilibre avec l’argent gagné ».
D’ailleurs beaucoup ne regardent pas à la dépense. « Certains peuvent sortir 250 €, 300 € par semaine », commente Lily. « Mais là, c’est souvent des gens aisés qui peuvent sortir une telle somme ».
Améliorer son quotidien
Pour autant, les gens qui n’ont pas les moyens ne sont pas en reste. « À Saint-Dizier, il y a un peu de misère et l’appât du gain fait rêver. J’ai des jeunes qui souhaitent acheter une maison, et des personnes âgées qui veulent une retraite plus confortable et faire plaisir à leurs enfants », explique la buraliste. Un homme d’une vingtaine d’années laisse ainsi 11 euros deux fois par semaine.
Luc vient de rentrer. Il vit dans les Vosges mais travaille sur Saint-Dizier aujourd’hui. Il réclame un flash pour l’EuroMillions s’élevant à 12,50 €, impossible pour lui de passer à côté de l’occasion. « Je joue rarement mais là, il y a 202 millions d’euros », dit-il, en se moquant de lui-même : « C’est comme au casino, vous mettez 100 € pour les perdre. Mais si vous ne tentez pas, vous ne gagnez pas ». Il n’est pas le seul à montrer la même logique. « Les lotos ou les EuroMillions avec une grosse somme, ça attire du monde, surtout qu’on peut jouer dès 2,50 € », précise Lily. Une jeune commerçante vient d’ailleurs tous les jours faire valider sa grille de Kéno, juste un euro. Un réflexe tous les midis.
Deux profils
Pour autant, deux profils de joueurs se distinguent selon la buraliste. Il y a les accros au grattage, qui basculent rarement vers le tirage, appréciant de voir le résultat de suite. Cette Bragarde en est l’exemple type : « Je joue rarement au loto, je n’y crois pas trop. En revanche, j’aime bien gratter, j’ai toujours espoir de gagner. Quand je gagne, parfois je retente et parfois, j’arrête ». Et donc, les accros au tirage, désireux de remporter le gros lot, plus susceptibles de gratter. Autre caractéristique des joueurs, le fait de ne pas fumer leur donne bonne conscience : « Ils se disent qu’ils peuvent bien dépenser 10 € dans le jeu car ils n’investissent pas dans les cigarettes »
La Civette a de beaux jours devant elle. Depuis 27 ans qu’elle vend des jeux, Lily observe une hausse constante de cette passion du jeu, d’autant plus que « La Française des jeux a développé sa gamme. Je compte 30 jeux à gratter de 1 à 15 € ». La semaine dernière, le bureau de tabac a enregistré une hausse de 20 % pour le grattage, 63 % pour les pronostics sportifs et 13 % pour le tirage.
Marie-Hélène Degaugue
mh.degaugue@jhm.fr
En chiffres
Des statistiques sont enregistrées par la Française des jeux, pour la ville de Saint-Dizier. Parmi les gros gains en Haute-Marne, le 20 novembre 1999, 3 446 516,31 € ont été remportés au loto ; le 13 février 2015, 2 600 000 ont été gagnés toujours au loto. À la Civette, le jeu à gratter Cash est le plus prisé.
Concernant les parts de marché, les chiffres sont régionaux. Le tirage représente 24% de l’activité, les paris sportifs 15%, les jeux express 8%, le grattage 53%. Au niveau national, le tirage s’élève à 22%, les paris sportifs 20%, les jeux express 7%, le grattage 51%.