À Saint-Dizier, itinéraire d’une protestation affichée
RETRAITES. Petites ou imposantes, sobres ou colorées, nous sommes aux manifestants, ce que les articles de la Constitution sont au gouvernement : indispensables. En tant que pancarte, nous nous devons d’alerter sur les maux de la société. Novice dans ce milieu, je vais vous raconter ma première sortie réalisée lors de cet acte V.
Ce jeudi 16 février est un grand jour pour moi. Mes propriétaires, Sébastien, 38 ans et Morgane, 34 ans, ont décidé de m’emmener pour la première fois en manifestation – même si eux s’y rendent depuis le début de la mobilisation pour faire entendre leurs voix. Timide, Sébastien n’est pas du genre à chanter haut et fort ce qui le met en colère. Non, lui préfère les messages écrits. C’est pourquoi, il y a quelques jours de cela, il a eu l’idée de me confectionner. Une tige en bois, une planche, il n’en fallait pas plus. Pour le soutenir dans sa démarche, Morgane, elle, a trouvé le slogan : « Carrière hachée, retraite à chier !! ». Le tout écrit en grosses lettres bleues et rouges avec une jolie crotte comme illustration. Me voilà née pour défendre les salariés aux parcours professionnels irréguliers. « Les femmes surtout », vous dira Sébastien qui trouve inadmissible que « leurs droits soient réduits parce qu’elles ont des enfants. »
On n’a pas la même forme, mais on a la même opposition
Il est un peu plus de 17 h lorsque nous arrivons place de la mairie. Il y a déjà beaucoup de monde. À peu près 1 100 Bragards ont fait le déplacement (1 500 selon les syndicats et 850 selon la préfecture). C’est moins que la dernière fois certes, mais avec des participants tout autant déterminés. Autour de nous, il y a de tout, ceux de la première heure, des petits nouveaux, mais aussi quelques jeunes, dont Léna, 16 ans et demi et Benjamin, 21 ans qui veulent tous deux une retraite à 60 ans. Matéo et Mathias, plus âgés de quelques années, sont venus pour d’autres raisons. « Nous venons pour dénoncer l’usage déplorable du 49.3 » affirme le second. Un peu plus de quarante minutes plus tard, l’heure de la marche a sonné. Contrairement aux manifestations précédentes, nous passons par la couronne de Gigny, puis, nous arrivons rue Maréchal de Lattre-de-Tassigny. Le jour se couche peu à peu. Lors de pauses ou plutôt de « blocages », j’aperçois dans le cortège certaines de mes semblables, d’autres pancartes se faisant, elles aussi, les porte-voix tantôt d’auxiliaires de vie sociale, tantôt de syndicats. « La retraite avant l’entrée en Ehpad » dit l’une, « Elisabeth, ta réforme dépasse les bornes », assure l’autre. Des fumigènes sont allumés éclairant les banderoles qui nous précèdent. La vague de manifestants s’engouffre dorénavant dans l’avenue Marius-Cartier. La foule, unie durant quelques kilomètres, finie par se disperser place de la mairie. Ma mission touche à sa fin. Du moins pour cette fois…
Dominique Lemoine