A l’italienne – L’édito de Patrice Chabanet
Imaginons un instant qu’Emmanuel Macron choisisse comme Premier ministre un Européen convaincu, à la compétence reconnue de tous. Barnier, par exemple. Imaginons encore que ce dernier forme un gouvernement qui ferait cohabiter des ministres issus du Rassemblement national et de la France Insoumise, des Républicains et du Modem, de la République en marche et de la gauche, des écolos et des partisans de la croissance. Eh bien, c’est la prouesse qu’est en train de réaliser Mario Draghi, l’ancien patron de la Banque centrale européenne (BCE). Il faut dire que la maison Italie est en feu avec une situation financière catastrophique. Dans ces conditions, il fallait frapper un grand coup. D’où le choix d’un homme expérimenté, comme « super Mario » C’est lui qui a su gérer la crise de la dette de la zone euro en 2012. Un état de service qui a pesé lourd dans sa désignation au poste de Premier ministre. Son œcuménisme politique n’exclut pas pour autant une certaine prudence dans le choix de son équipe gouvernementale. Il n’a pas intégré les néo-fascistes. Il n’a pas choisi les chefs de partis. Il a fait entrer aussi des experts, huit exactement. Une manière de ne pas confondre union nationale et confusion nationale.
Toute la question est maintenant de savoir si cette architecture politique inédite en Italie résistera aux bourrasques qui assaillent la troisième puissance économique de la zone euro. En d’autres termes, le savoir-faire, le talent et l’habileté de Mario Draghi auront-ils raison de cette maudite tradition qui n’accorde que quelques mois d’existence à chaque nouveau gouvernement ? Saura-t-il aussi s’attaquer au mal endémique de la péninsule, l’influence de la mafia dopée par les dysfonctionnements provoqués par la pandémie ? On pourra toujours ironiser sur l’art de faire de la politique à l’italienne. La situation française devrait nous inciter à plus de modestie. L’enjeu est ailleurs : tout effondrement de l’Italie aurait un impact dans toute l’Union européenne. Mieux vaut en prendre conscience.