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Voyottes de La Noue : une spécificité de Saint-Dizier

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Certains propriétaires font encore aujourd’hui vivre leur voyotte.

Dans le quartier de La Noue, à Saint-Dizier, les voyottes sont une curiosité trop souvent ignorée. C’est pourtant toute l’histoire de la ville qui s’écrit dans ces 86 petites ruelles.

Ce n’est pas la destination favorite des touristes à Saint-Dizier. Et c’est bien dommage. Car le quartier de La Noue recèle un véritable petit trésor : les voyottes. Dès le IXe siècle, la présence d’une église est attestée dans ce qui n’est alors qu’un petit village. « Il était beaucoup plus petit que le quartier actuel », a expliqué Carole Andrieux, guide conférencière, lors d’une visite du quartier organisée par Le Petit Paris, dans le cadre des Journées européennes du patrimoine. « Il s’étendait de la place de la République à la rue Ernest-Renan et était composé d’une rue principale bordée de maisons. Entre ces maisons, des ruelles : les voyottes. »

Des “voies à hotte” aux voyottes

Mais à quoi pouvait bien servir ces petites ruelles étroites, sombres et peu avenantes ? « Derrière les maisons, il y avait des jardins et des vignes. Les voyottes permettaient d’accéder à ces espaces cultivés. C’est de là que viendrait leur nom : pour aller cueillir le raisin des vignes, les habitants les traversaient avec des hottes sur le dos. Par déformation, ces “voies à hotte” seraient devenues les voyottes, un terme spécifique à Saint-Dizier », souligne Carole Andrieux.

On n’en compte pas moins de 86, 41 d’un côté de l’avenue et 45 de l’autre. Autre particularité, seules deux portent un nom : la ruelle du Tourniquet et la ruelle du Poirier. « La première doit son nom au tourniquet qui empêchait les cochons d’entrer dans la ruelle. Quant à la seconde, personne n’a jamais vu le poirier ! », sourit Carole Andrieux.

Mariniers et brelleurs

Jusqu’au début du XXe siècle, le quartier déborde d’activité. Les voyottes ne permettant pas l’implantation de granges ou d’ateliers, tout se passe à l’extérieur. Côté Marne, les mariniers s’affairent dans les ports et les chantiers navals. Les brelleurs construisent leurs brelles, ces radeaux pour transporter le bois vers Paris.

On y charrie aussi le fer. Les cultivateurs s’activent dans leurs champs, leurs vergers ou leurs vignes. Les femmes descendent aux lavoirs avec leur panier de linges… En janvier, on célèbre saint Vincent. « Et le soir, certaines maisons se transforment en bistrot. Des tripots pas forcément illégaux, mais qui étaient souvent fermés à cause de problèmes liés à l’alcoolisation massive des clients », rapporte Carole Andrieux.

« De misérables logements »

A l’écart des remparts de la ville, le faubourg de La Noue est un quartier populaire. Les familles avec sept ou huit enfants s’entassent dans les maisons de 35 m2 des voyottes. Dans son ouvrage référence, “Vieilles rues, vieilles pierres”, le chanoine Petit en fait d’ailleurs une description bien peu avenante. Selon lui, ces voyottes « ne contribuent ni à l’esthétique ni à l’hygiène du quartier » et « sont bordées de misérables logements dont certains ne voient jamais un rayon de soleil ». Une image qui collera bien longtemps aux voyottes, peu aidées, il est vrai, par la présence d’un caniveau central pavé servant d’égout à ciel ouvert…

La population double

En 1775, la ville va connaître un événement qui va commencer à transformer le quartier. L’incendie qui détruit la moitié de la ville, amène à détruire les fortifications. L’accès au faubourg de La Noue s’ouvre. « Avec le développement des communications, la ville va s’agrandir. Entre 1805 et 1902, Saint-Dizier passe de 6 ou 7 000 habitants, à environ 14 000 », ajoute Carole Andrieux. « On construit énormément entre la ville et la La Noue. » Plus question alors de voyottes, mais d’hôtels particuliers. Le torchis est remplacé par la pierre de taille des carrières de Chevillon ou de Savonnières.

Nouvelle vie

« En 1889, les vignes de La Noue sont victimes d’une première attaque du phylloxéra. C’est le début de la disparition de cette activité. Avec l’ouverture du canal en 1902, le transport du bois et du fer sur la Marne s’arrête aussi. La ville s’industrialise », conclut Carole Andrieux. Les voyottes sont petit à petit délaissées.

Aujourd’hui, certaines ont retrouvé une seconde jeunesse, grâce à des propriétaires soucieux de maintenir ce pan de l’histoire bragarde en état. D’autres sont pratiquement laissées à l’abandon. Des maisons tombent en ruines… Début 2022, la Ville de Saint-Dizier a lancé une vaste opération de l’amélioration de l’habitat, avec une enveloppe de 7,7 millions d’euros sur cinq ans. Les voyottes de La Noue pourraient donc connaître un joli renouveau. Espérons-le…

P.-J. P.

pj.prieur@jhm.fr

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