A double tranchant – L’édito de Patrice Chabanet
La ressemblance avec l’Appel du 18 juin était évidente, car voulue. Eric Zemmour s’en est servi comme d’un atout pour lancer sa candidature à la présidentielle. Mais Zemmour n’est pas De Gaulle et le contexte de 2021 n’est pas celui de 1940. Un décalage qui a donné une ambiance sépulcrale à l’intervention du polémiste, alors que le futur chef de la France libre avait su par sa prestance, par sa voix, rester dans le registre de la gravité sans tomber dans le piège de la mise en scène. L’analyse de De Gaulle se fondait sur l’expérience professionnelle, si l’on ose dire. Bien avant l’establishment militaire français il avait senti que l’arme blindée amènerait la victoire dans ses chenilles. Il n’y a qu’à lire son ouvrage Vers l’armée de métier écrit en …1934, pour prendre conscience de son côté visionnaire. L’argumentation de Zemmour sur « le grand remplacement », elle, se réfère plutôt à des théories contestées et contestables, notamment celles développées par Renaud Camus, que l’on pourrait classer à la droite de l’extrême droite. Ce faisant, il convaincra les plus convaincus de ses partisans, mais radicalisera ceux qui le détestent, y compris à droite.
Son discours pour ouvrir sa campagne est donc à double tranchant. On saura très vite s’il parvient à remonter le terrain perdu dans les sondages depuis quelques semaines. Et s’il retrouve dans la société les relais nécessaires pour organiser une campagne. Quels ralliements ? Qui s’affichera à ses côtés au Zénith, le 5 décembre ? Quels financements ? Sa pugnacité, incontestable, va rencontrer crescendo des oppositions de plus en plus féroces. Cela dit, ce n’est pas une raison pour lui interdire de s’exprimer ou de se déplacer. La démocratie ne mange pas de ce pain-là. C’est à l’électeur de se faire sa religion, et de faire le tri entre le bon grain et l’ivraie. Et à la justice de poursuivre le cas échéant lorsque le discours charrie racisme, sexisme ou défiguration de l’Histoire.