A couteaux tirés – L’édito de Patrice Chabanet
N’en jetez plus, la cour est pleine. La politique française se contorsionne dans des batailles dans lesquelles les parties prenantes font flèche de tout bois. Hier, à l’Assemblée nationale, on a eu droit à un beau florilège. Aurore Bergé, la patronne du groupe Renaissance qui intervenait dans le dossier des violences faites aux femmes, a “allumé” au passage LFI pour sa défense ambiguë d’Adrien Quatennens. Bronca chez les amis de Mélenchon, avec une nouvelle montée en ligne de Sandrine Rousseau. Autre lieu, autre bataille, cette fois-ci, entre l’exécutif, le législatif et le judiciaire : la mise en examen du Garde des Sceaux, Eric Dupond-Moretti et du secrétaire général de l’Élysée Alexis Kohler. Tous les deux sont mis en cause dans des affaires de prise illégale d’intérêts. Une aubaine pour les oppositions qui exigent leurs démissions immédiates. A l’évidence, le doute ne profite pas aux mis en examen. Que dire en effet de la présomption d’innocence ? Cela fait belle lurette qu’elle est rappelée comme un rituel désuet sans être vraiment respectée.
Derrière ces désaccords quant au sort réservé aux responsables politiques « présumés innocents » il y a tout simplement un bras de fer entre les trois pouvoirs. Ils se renvoient la balle. Ainsi, le Garde des Sceaux lance des enquêtes administratives contre des juges avec qui il avait eu maille à partir quand il était avocat et le voilà soupçonné de « prise illégale d’intérêts ». Comment ne pas y voir une confusion des genres ? Et un risque perlé à la clef : la confrontation d’un exécutif qui a la tentation de se croire au-dessus des lois avec un gouvernement des juges. Montesquieu n’avait pas vu se profiler cette lente dérive.