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A Bordeaux, on chante à la fac

«Amstrong, je ne suis pas noir, je suis blanc de peau» : autour d’un piano, des étudiants de l’université de Bordeaux 3 entonnent Nougaro. Ils sont inscrits en licence de «chanson d’expression française», la première en France, dont l’objectif est de sauver un patrimoine en perte de vitesse.
Cette répétition improvisée, n’a que des faux airs de «Nouvelle star» ou de «Star academy», les célèbres émissions si appréciées des téléspectateurs français. Elle s’inscrit dans la formation suivie par 21 étudiants aspirant à devenir des «auteurs-compositeurs-interprètes».
Pascal Pistone, directeur de la filière musique de l’université de Bordeaux 3, est à l’origine de ce cursus, le seul en France consacré à la chanson française, proposé par un établissement public.
Pour créer cette formation triennale diplômante, quasi gratuite et ouverte seulement tous les trois ans, ce pianiste a dû vaincre de nombreuses réticences, venues de certains de ses collègues universitaires mais aussi des écoles privées, qui facturent leur formation jusqu’à 5 000 euros l’année, contre quelque 300 euros de frais d’inscription à l’université.
Il a aussi noté que la plupart des grands noms de la chanson française contemporaine à texte viennent de l’université et non de ces écoles : Raphaël (hypokhâgne), Vincent Delerm (lettres modernes), Camille (hypokhâgne, Sciences Po), Mademoiselle K (musicologie)…
bordeauxfac
«Une des missions de l’université est de valoriser le répertoire de chanson française à texte, victime d’une image plutôt mauvaise depuis quelques années par rapport à la chanson de variétés», explique l’enseignant, nostalgique de l’époque où Léo Ferré et Claude François se côtoyaient dans les mêmes émissions télévisées.
L’objectif de cette formation déjà proposée depuis des années dans nombre d’universités aux Etats-Unis, en Grande Bretagne ou en Australie pour la chanson anglophone, «est de former des auteurs-compositeurs-interprètes, des professeurs de musique, des accompagnateurs, des choristes, des arrangeurs et des orchestrateurs», affirme M. Pistone.
Plein de conviction, cet universitaire, fait le pari que, d’ici quelques années, «tous ces étudiants devraient trouver des débouchés» après avoir pris des cours d’interprétation vocale, de piano, d’écriture, de composition et exploré de nouvelles technologies, notamment l’informatique musicale.
«Je suis là pour les aiguiller tout en respectant leur personnalité», souligne pour sa part Sarah Bromberg, professeur de technique vocale, dont le principal objectif est de leur donner «une grande confiance en eux».
Si certains ont d’excellentes bases musicales, d’autres sont là pour les renforcer. Ainsi, Lily qui a signé un contrat avec un label indépendant et sort un album en mars. «Je n’ai aucune formation musicale et j’ai appris toute seule», explique cette chanteuse pop-rock désireuse d’apprendre autant de ses professeurs que de ses camarades.
Un sentiment partagé par Tony Razafindrabé, 21 ans. Arrivé avec une solide formation classique de piano, ce fan de Ray Charles reconnaît éprouver une certaine «désillusion sur son niveau» depuis la rentrée.
A l’issue des trois ans de formation, au cours desquels seront dispensées 1 500 heures d’enseignement pratique et théorique, ils doivent pouvoir «appréhender tous les domaines de la création et de l’interprétation autour de la chanson (…) pour ne pas être plus tard les pantins d’un producteur ou d’un agent», souhaite M. Pistone, dont le modèle d’«artiste complet» est Léo Ferré.
Pour arriver dans cette «filière sélective», les étudiants ont dû démontrer leur capacité à chanter «juste», leur «potentiel dans le domaine de la création musicale ou littéraire», leur motivation et «une certaine impertinence».
Pour Adrien Hauquin, 21 ans, le désir de devenir auteur-compositeur-interprète ne fait pas de doute. «Il s’est imposé à moi», explique ce Bordelais, tout en répétant au piano le morceau qu’il interprètera le lendemain dans un café-concert aux côtés de ses camarades de promotion.
Après avoir compris que les chansons à texte engagées, qu’il aimait écrire, n’étaient pas compatibles avec ses études au sein de l’école de gendarmerie, ce guitariste et violoniste de formation n’a pas hésité à s’inscrire à cette formation.

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