Vins fins et troubles de l’appréciation
Commercial intervenant au service de la maison de négoce bourguignonne, un Haut-Marnais a-t-il détourné près de 3 000 bouteilles de vins de soif et autres grands crus ? Confronté à diverses incertitudes, le tribunal a ordonné un supplément d’information. Explications…
«A écouter mon ancien employeur, j’aurais bu 2 900 bouteilles en l’espace d’un an…» Léopold Lajeunesse souffrirait pour ainsi dire d’une fichue gueule de bois. Ancien voyageur, représentant et placier multicartes intervenant au profit de différentes sociétés, le Haut-Marnais aura connu mille et un déboires ces dernières années. Cultivant une «passion» pour le vin, l’homme pensait faire du divin breuvage son activité principale en collaborant avec une maison de négoce bourguignonne.
Longue de quelques mois, l’expérience aura débouché sur le licenciement pour faute grave de Léopold Lajeunesse. Engagé dans un combat devant le conseil des prud’hommes, le VRP aurait détourné 2 914 bouteilles dont quelques gamines de grands crus. La maison Tramier aura également dénoncé le détournement de chèques remis par des clients au VRP.
«Traçabilité des commandes»
D’une apparence limpide, le dossier n’aura pas tardé à souffrir des faiblesses d’une enquête sans tanin, «lacunes» regrettées par le procureur Amouret. Porté à bonne température, Maître Grosjean pouvait servir à discrétion diverses failles afin d’asseoir les objections de son client. Léopold Lajeunesse assurait ainsi avoir livré 1 500 bouteilles à un commerçant langrois. L’homme n’aura jamais été interrogé comme le regrettera le juge Thil. Me Grosjean mettait également en avant la structure volatile de la gestion des stocks de la société de négoce. «La traçabilité des commandes pose clairement question, martelait l’avocat. Aucune preuve de la réception des livraisons à mon client ne figure au dossier, toute livraison doit faire l’objet de la signature d’un document, mais aucun élément ne figure au dossier !»
«Abus de confiance»
Les débats gagnaient en astringence à l’écoute des arguments fermentés présentés par Me Mathieu. «Dénoncer les lacunes de l’enquête est une chose, mais nous sommes ici pour répondre à une question. Monsieur Lajeunesse s’est-il rendu coupable d’un abus de confiance ? La maison de négoce que je représente compte une trentaine de commerciaux et un bilan des commandes, du chiffre d’affaires et des stocks est effectué toutes les semaines avec chaque commercial, soulignait l’avocat. Monsieur n’a pas respecté la règle du jeu dès le départ comme le prouvent des mises en demeure adressées à monsieur. La livraison de 1 500 bouteilles évoquée par la défense ne suffit pas, près de 3 000 bouteilles ont été livrées et ces commandes n’ont pas été réglées. Aussi lacunaire soit-elle, l’enquête est suffisante !»
La maturité de Me Mathieu n’entamait pas la position du ministère public. «Des éléments à charge sont présentés, mais ce dossier n’est pas en mesure d’être jugé», soulignait le procureur Amouret. Le juge Thil fermait le ban en ordonnant un supplément d’information. Le dossier sera présenté devant le tribunal correctionnel le 21 janvier prochain au terme d’une bénéfique décantation.