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Rôle et fonctions du juge – Bruno Laplane

Comprendre pour mieux juger

Chaque semaine, le Tribunal de grande instance (TGI) de Chaumont accueille des centaines de justiciables. Du vol en réunion au divorce, des juges rendent Justice dans le plus strict respect des lois votées par députés et sénateurs. Président du TGI, Bruno Laplane décrit les missions des magistrats du siège et fait état des difficultés rencontrées par les garants du respect de l’ordre républicain.

 

Bon sens et sens du devoir

«J’ai toujours eu une goût pour la chose judiciaire. Je suis également animé par un attrait prononcé pour le service public. La fonction de magistrat impose une posture de recul par rapport à certains intérêts et j’apprécie cette position» : président du Tribunal de grande instance (TGI), Bruno Laplane n’est pas homme à laisser part à une vanité mal placée. Humilité, sincérité et altruisme transpirent des propos d’un fonctionnaire de Justice tout heureux de présenter les travaux de rénovation accomplis par des jeunes en difficulté. «Savoir de quelle manière ce bureau a été rénové est intéressant, glisse Bruno Laplane. A l’intérêt de ce projet s’ajoutent des considérations financières. Faire appel à une entreprise aurait coûté beaucoup plus cher !» Et quand l’argent vient à manquer…

Juger et gérer

Le bon sens a mené Bruno Laplane a quitter l’école de la magistrature en 1986 pour occuper un poste de juge d’instance à Haguenau (Bas-Rhin) avant de prendre des fonctions de vice-président du tribunal. L’homme prendra pleine mesure de convictions profondes au sein des services de la Cour d’appel de Colmar. «J’occupais une fonction de secrétaire général, souligne le magistrat. Je me chargeais de la gestion et du volet administratif de la Cour d’appel. La Justice est aussi une intendance à mettre en œuvre.»

Nommé président du TGI de Chaumont en 1999, Bruno Laplane a trouvé un excellent compromis. «Compte-tenu de la taille de cette juridiction, je peux associer une tâche juridictionnelle à des missions de gestion, de dynamisation et de conduite de projets, note le magistrat. Comment rendre une Justice de qualité avec les moyens qui nous sont alloués et des problèmes d’effectifs ? Cette question est au coeur de mes fonctions. Au-delà de la dimension humaine et du travail de juriste, mon travail consiste également à faire tourner la “boutique” !» Pour mieux rendre Justice.

 

Doute et humilité

«Si le magistrat n’a plus de doute, c’est inquiétant. “Le juge ne rend la justice que la main tremblante” dit Guy Canivet, dit ancien président de la cour de cassation et actuel membre du conseil. La question de l’erreur me traverse régulièrement l’esprit, mais toutes les décisions civiles ou pénales sont prises à l’issue d’un débat contradictoire, note Bruno Laplane avant d’émettre quelques critiques sur le recours au juge unique. Il ne faut absolument pas perdre la collégialité. Le recours au juge unique est efficace mais dangereux. La collégialité permet une confrontation des opinions. La garantie de pouvoir interjeter appel est également rassurante.» Afin d’optimiser le travail des juges, le président du TGI a mis en place des échanges entre magistrats du siège. «Nous travaillons en binôme selon le procédé de l’intervision, indique Bruno Laplane. Concrètement, un juge commente le travail d’un de ses collègues. C’est une façon d’éviter tout dérapage. D’un point de vue comportemental. Observer et commenter le travail de ses collègues est constructif.»

 

Le rôle du juge

La juridiction de Haute-Marne compte douze magistrats du siège. L’ensemble de ces juges a vocation à intervenir au sein des différentes chambres de la juridiction. «Le juge d’instance en place à Saint-Dizier peut, par exemple, être appelé à intervenir au tribunal correctionnel, indique Bruno Laplane. Le juge Thil est dédié aux affaires pénales, mais d’autres magistrats peuvent présider les audiences ou intervenir en tant qu’assesseurs en correctionnelle, dans le cadre de comparutions immédiates ou à l’occasion des Assises.» Juge de l’application des peines ou des affaires familiales doivent ainsi faire preuve d’une extrême polyvalence afin de mener à bien différentes missions.

«Dans le cadre d’une audience de correctionnelle, la mission du juge est, en amont de l’audience, de prendre connaissance des dossiers dont la juridiction est saisie, soit à l’issue d’une instruction, soit dans le cadre d’une saisine du Parquet, souligne le président du TGI. Il est essentiel de bien analyser un dossier pour pouvoir le défendre et répondre à des questions de droit. Ce travail préparatoire permet présider de manière utile.»

 

Frénésie législative

«La Justice, comme d’autres administrations, est confrontée à la nécessité de s’adapter et de se moderniser. Culturellement, c’est difficile, mais cette adaptation est nécessaire, souligne Bruno Laplane. Il est indispensable de mesurer la qualité et la performance de notre action. Cette obligation n’efface pas certaines difficultés. La frénésie du législateur qui conduit à des bouleversements incessants est moins heureuse et parfois difficile à accepter.»

Une certaine lassitude s’instaure parmi les magistrats. «Nous avons souvent le sentiment que face à des faits-divers ou une actualité particulière, les parlementaires ont tendance à vouloir répondre à ces situations par la loi sans prendre le temps et le recul nécessaire, souligne le président du TGI. Nous avons besoin de stabilité et cette agitation est contre-productive. Cette fuite en avant est véritablement déstabilisante. Réformer à chaud ne me semble pas être une bonne méthode. Le pouvoir législatif a du mal à comprendre que la Justice doit rester une sphère indépendante. C’est une des nombreuses particularités françaises.»

Condamnés à s’adapter aux décisions de députés et sénateurs, les magistrats du siège toutefois d’une véritable indépendance. Un juge peut ainsi décider d’écarter la peine plancher afin de ne pas punir trop sévèrement un prévenu.

 

L’Europe en vigie

La récente réforme de la garde à vue témoigne de l’importance des instances européennes dans le système judiciaire français. «Le droit communautaire impose des règlements ou des directives dans le cadre du Traité de Rome, indique la président du TGI. Des juges sanctionnent les états violant les exigences de la Cour européenne des droits de l’Homme. La France est régulièrement condamnée, je vois ça d’un bon oeil… Notre législation n’est pas tout à fait dans les clous dans différents domaines. L’exigence de qualité est garantie par cette vigie. Un pays comme la Turquie ne cesse, condamnation après condamnation, de modifier et bonifier son code pénal. En ce qui concerne la garde à vue, la France était assez proche de ce qui se passe en Turquie. Le rôle de la Cour européenne des droits de l’Homme est facteur de progrès.»

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