3 – Humeur
Des délinquants bien de chez nous
Havre de paix jadis prisé de Denis Diderot, Louise Michel, Albin Michel, Bernard Dimey, Charles de Gaulle et autres illustres figures, la Haute-Marne souffre de mille maux. Démantèlement du tissu industriel, déclin démographique, enclavement rural favorisé par les criantes carences des réseaux de transport en commun et faiblesse de l’offre culturelle participent notamment à l’agonie d’un territoire coupé des réalités de nombreux départements. La Haute-Marne s’illustre également par son appétence pour le Front national comme en témoigne une analyse détaillée des résultats des élections organisées ces dix dernières années. En 2002, Jean-Marie Le Pen totalisait 22,42 % des suffrages exprimés au premier tour de l’élection présidentielle, le candidat frontiste culminant à 16,86 % à l’échelle nationale. Malgré un net recul observé en 2007 (17 %), le département s’est à nouveau distingué en devenant le deuxième bastion frontiste, l’Ain devançant la Haute-Marne d’une courte tête. Les derniers scrutins n’auront pas dérogé à la tradition. Les élections cantonales organisées en mars 2011 ont ainsi été marquées par l’essor du Front national, le parti comptabilisant 21,37 % des suffrages exprimés, soit six points de plus que la moyenne nationale (15,06 %). Cette percée a notamment été confirmée par le résultat record (38,03 %) enregistré par Thomas Suillot dans le canton de Saint-Dizier Ouest, ancien bastion communiste. Maires et autres élus invités à élire les sénateurs haut-marnais ont également témoigné d’un certain attachement aux idées du Front national. En pourcentage, le parti mené par Marine Le Pen a réalisé son meilleur résultat en Haute-Marne, 4,3 % des membres du collège électoral se tournant vers le Front national. Profitant des évidentes faiblesses des forces de gauche, l’Union pour un mouvement populaire s’est ainsi érigée en dernière digue susceptible de barrer la vague frontiste.
Parmi les fantasmes hantant les nuits des habitants d’un territoire rural figurent les actes de délinquance perpétrés par des sauvageons d’origine maghrébine. Les fidèles de Appels d’urgence, 90′ Enquêtes et autres programmes télévisés anxiogènes et clairement orientés ont ainsi pris l’habitude de changer de trottoir à la simple vue de badauds au teint basané. Autant de dangereux délinquants appelés à fréquenter tribunaux et prisons. L’idiotie – innocente ou coupable – des électeurs frontistes haut-marnais ne résiste pas à une analyse méthodique du volume de comparutions devant le tribunal correctionnel de Chaumont. Un tirage au sort – effectué sans contrôle de huissier, faute de moyens – parmi la masse de dossiers présentés entre le 1er avril et le 1er décembre 2011 tend à minimiser l’implication de Français originaires d’Afrique du Nord. Sur un total de 205 prévenus, seize portent un nom à consonance maghrébine, soit une proportion inférieure à 9,5 %. Le pourcentage tend à diminuer en matière de consommation et trafic de drogue dans un département frappé par une hausse de la consommation d’héroïne. Sur un total de 60 prévenus répondant de délits ou infractions liés aux stupéfiants, huit ont ainsi des descendants algériens, marocains ou tunisiens. Le profil du délinquant sexuel haut-marnais rompt également avec l’image du jeune maghrébin adepte des tournantes, ces actes barbares surmédiatisés à des fins purement électoralistes. A casquette et survêtement, les auteurs d’atteintes et agressions sexuelles préfèrent cotte et pantoufles : sur un total de dix affaires, neuf impliquent des Haut-Marnais aux noms de famille bien de chez nous. La majorité des méfaits ont, par ailleurs, été commis dans des communes de moins de 200 habitants où l’immigration se limite à la présence de familles italiennes ou portugaises.