2 – Humeur
Mise en place d’une expérimentation visant à développer la présence de citoyens assesseurs aux côtés de magistrats professionnels dans le cadre de certains délits présentés devant le tribunal correctionnel.
Chacun son métier…
Le dimanche matin, des millions de réactionnaires vocifèrent contre journalistes avilis, professeurs fainéants, policiers violents, étrangers délinquants et chefs d’entreprises à la solde du grand capital. Parmi les grands fantasmes d’une France abrutie par programmes télévisés décadents et émissions radiophoniques faisant la part laide à la libre antenne figure l’image du magistrat corrompu, ce notable coupable de mille maux. Ce délinquant aux origines pas très catholiques, Dédé l’aurait mis aux travaux forcés, ben oui, la peine de mort a été abolie, alors autant leur faire casser des cailloux à ces détenus logés et nourris aux frais des contribuables. Garants de l’équilibre d’une société gangrenée par communautarisme, obscurantisme et intolérance, les élus du peuple en sont malheureusement venus à embrasser de leurs lèvres charnues le populisme cher à feu Robert-Poujade. Les hommes de Justice seraient trop laxistes, alors autant répondre à la vox populi à des fins purement électoralistes en invitant le citoyen lambda à juger de l’avenir de ses prochains. Véritable signe de défiance à l’encontre des magistrats, la création de tribunaux correctionnels citoyens votée par députés et sénateurs répond à une logique des plus primaires. Dédé sera amené à décider du sort de délinquants sexuels et autres malfrats, Justice sera enfin rendue, forcément, Dédé ne fait pas partie de la caste des magistrats, ces nantis sans qui la France tournerait un peu plus rond. La politique prônée par la majorité présidentielle trouve ses limites en de criantes réalités : au coût – exorbitant – de la rémunération d’assesseurs citoyens s’opposent une inquiétante pénurie de magistrats ou greffiers et d’insuffisantes capacités d’accueil des établissements pénitentiaires entraînant la non application de nombreuses peines de prison ferme. Autant d’écueils imputables à des élus trop heureux de pouvoir camoufler leur propre (in)suffisance derrière les supposées incompétences de magistrats indépendants. En opposant les simples justiciables aux magistrats, les élus du peuple ont omis un principe fondamental : Justice peut être injuste, parce Justice est humaine. Dédé en est également certain : le pays se porterait mieux s’il était président et l’équipe de France irait de l’avant s’il en assurait la composition. Chacun son métier, les vaches seront bien gardées.