Sommelonne au temps des guerres : paroles de Calvins
“Sommelonne au temps des guerres”, tel était le titre de l’exposition qui s’est tenue à la salle des fêtes du village meusien (entre Saint-Dizier et Bar-le-Duc). Les bénévoles de la Calvinothèque, Françoise Eliot et Laurence Cozette, ont initié cette magnifique remontée dans le temps. Elle a nécessité des heures de recherche dans les archives et pour recueillir le témoignage des anciens grâce auxquels les petites histoires sont entrées dans la grande.
Concernant la Seconde Guerre mondiale, le visiteur a pu apprendre le projet d’une rue du Maréchal-Pétain à Sommelonne : « Séance du conseil municipal du 26 janvier 1941 : le conseil désireux de témoigner sa gratitude à l’égard de M. le maréchal Pétain chef de l’Etat français, décide de donner le nom de “rue du maréchal Pétain” à la rue dénommée jusqu’à présent rue d’Ancerville ». La décision n’a jamais été appliquée, même s’il n’y a pas eu de délibération contraire. Deux cents municipalités meusiennes ont répondu à la même demande du préfet.
« On ne se rend pas ! »
« On ne se rend pas ! » : telle a été l’unique réponse de l’adjudant Michel qui commandait un détachement de 20 hommes du 62e régiment régional se repliant de Güe vers Chamouilley après la destruction du dépôt d’essence dont il avait la garde, en juin 1940.
Sur les panneaux, les anciens ont livré leurs souvenirs d’exode, intacts. « On est allé en Ardèche (sic), une dame nous a fait une soupe de pois chiches. Les trois gosses, on n’aimait pas ça. Mon père a été obligé de manger la soupe de tout le monde et après il a été malade » (Pierre L.). « A l’exode, on avait laissé mon grand-père tout seul car il était handicapé et les Allemands lui roulaient les cigarettes. Gross malheur !, lui disaient ils » (Guy R.).
En zone interdite
« A la Folie, il y avait des gardes allemands (sic), j’avais été impolie avec eux » (Gisèle S.). « Au café, il y avait deux Allemands, l’un d’eux m’a donné ma première orange, je n’avais jamais vu d’orange de ma vie ! » (Jean M.). « Les Allemands, ils voulaient nous donner des bonbons, mais on n’en voulait pas ! On avait peur qu’ils nous empoisonnent » (Jean S.). « Dans une grange, les Allemands faisaient à manger. Maman a été obligée d’y aller pour éplucher des pommes de terre. Quand elle est repartie, ils lui ont donné des os dans son tablier, il n’y avait pas de viande autour ! » (Bernadette P.).
Participation à l’effort de guerre : « On devait déclarer et donner tant de poules, tant d’œufs, de lait, on avait des tickets de pain » (Ginette F.). « Les chevaux, les vélos, on avait intérêt à tout planquer. Mon père, il avait démonté son vélo pour que les Allemands ne le prennent pas » (Jean S.).
Se nourrir n’est pas toujours facile
« En ville, on échangeait de la nourriture pour un pneu de vélo » (Michel S.). « On a beaucoup souffert de la faim, faut pas croire ! On a mangé des rutabagas et des topinambours » (Bernadette P.). « Ma belle-mère allait jusqu’à Sermaize à vélo pour trouver du lait » (Jeannine F.). « On piquait les patates dans la chaudière des cochons » (Michel S.).
« Mon grand-père avait une dizaine de pieds de tabac au jardin, même si c’était interdit » ; « une ration de pain, c’était la décade. S’il dépassait le poids, le boulanger coupait le petit bout et le mangeait et, si cela ne faisait pas le poids, il mettait le doigt sur la balance » (Michel S.).
Des munitions à portée de mains
« On enfonçait la balle dans le mur. On tapait sur l’amorce avec une pointe et ça explosait ! Il doit y avoir encore des traces autour de la sacristie ! » (Jean M.). « La poudre d’obus, c’était comme des petits macarons avec des petits trous. On les mettait sur la cuisinière et ma mère criait. J’en ai pris des claques ! » (Jean S.).
« Toutes les nuits, on allait dans la cave pour se protéger. Toutes les nuits, j’avais peur. J’avais 10 ans » (Michel S.).
Prisonniers et requis
En décembre 1940, Sommelonne comptait treize prisonniers de guerre.
« Mon père ramassait du saindoux en camion avec son équipe pour faire de la peinture. Quand celui qui conduisait voyait un avion, il tapait sur la caisse où était mon père et ils partaient tous se cacher dans le fossé » (Michel S.).
« Quand mon père était contrôlé, il disait qu’il était agriculteur. S’il avait répondu qu’il était menuisier, il aurait été réquisitionné » (Guy R.). « Mon père a travaillé pour le TODT, mais il ne m’a jamais raconté où il allait ! » (Elisabeth B.).
La Résistance
Henri Quéruel, grand-père de l’ancien maire de Sommelonne, Pascal Quéruel, était résistant. Démobilisé en août 1919, devenu membre du parti communiste, il est arrêté en 1940 par la police française. Libéré, il entre dans la Résistance, la police allemande l’arrête en 1942 et il est déporté à Auschwitz dans le même convoi que 1 100 “otages communistes”, 50 “otages juifs” et quelques “droits communs” avant de mourir le 6 septembre 1942.
Dans leur fuite en 1944, les Allemands traversent Sommelonne. « Les Allemands nous ont mis en joue, dans la cuisine, ils étaient deux. Ils nous menaçaient pour avoir des vélos. On leur a donné le vélo de mon père. C’était la fin de la guerre, j’avais 6 ans » (Bernadette P.). « Les Allemands ont laissé des choses dans la grange, des accordéons, des couvertures. Leurs vélos, ils n’avaient même plus de pneus ! » (Michel S.).
De notre correspondante Catherine Millot
« Recueillir les témoignages quand il est encore temps », tel était l’objectif que s’étaient fixé Françoise Eliot et Laurence Cozette. Mission réussie. Les deux bibliothécaires ont adressé leurs remerciements aux Calvins (habitants de Sommelonne), au personnel des Archives Départementales de la Meuse, à Jean-Luc Bouzon, Stéphane Delaulle, Joël Ecuvillon, Lionel Fontaine, Jean-Pierre Harbulot, Brice Perin, Patrice Riehl et Yvon Vannerot pour avoir répondu à leurs questions et partagé leurs connaissances historiques.