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Quand s’élève la statue du Philosophe

La statue, fondue à Paris, a été exposée aux Champs-Élysées avant d’être transportée à Langres par la compagnie des chemins de fer de l’Est.

LES MURS ONT LA PAROLE. Retrouvons notre série dédiée aux grands évènements langrois. Pour ce nouveau volet, nous voici en 1884. Un jour où Langres se prépare à honorer son plus célèbre enfant.

La statue de Diderot fait partie de notre décor, difficile d’imaginer Langres sans elle. Pourtant, elle ne fut pas toujours là ! Imaginez, nous sommes à la veille du 3 août 1884. Langres doit célébrer le lendemain le centenaire de la mort de l’écrivain. L’idée de lui ériger une statue dans sa ville natale a été relancée, bénéficiant d’un conseil municipal républicain. La place centrale rebaptisée place Diderot doit accueillir l’œuvre confiée au talent de Bartholdi. Le sculpteur est déjà connu pour avoir réalisé Le Lion de Belfort et pour travailler sur La Liberté éclairant le monde.

Afin de récolter les fonds, une souscription internationale a été lancée. Mais l’érection de la statue ne se fera pas sans heurts dans la cité épiscopale. Le clergé s’insurge, car elle glorifie un philosophe athée et matérialiste. Le tumultueux Diderot devient prétexte de conflit. Tandis que les comités chargés de récolter des fonds parlent de « La Chère œuvre de la statue », des pamphlets rédigés par le Chanoine Marcel circulent. Ils sont illustrés de gravures peu flatteuses, comme « Diderot et ses 13 maîtresses » et de propos accusateurs : « Il a maltraité les Langrois, leur a donné par ses jugements l’éternité du ridicule ».

Les journaux relatent l’actualité avec des visions bien différentes. Le Républicain, puis Le Spectateur, font l’éloge de Diderot : « Il porte comme un atlas le XVIIIe siècle sur ses épaules ». Parallèlement, La Haute-Marne, journal plus religieux, et L’Avenir, journal royaliste, critiquent les festivités. Mais la fête aura bien lieu.

Le 3 août débute par une salve d’artillerie, puis la réception des délégations. Le nombre de visiteurs étrangers fluctue : 10 à 15 000 selon Le Spectateur, alors que L’Avenir écrit : « ll n’y a pas grand monde »…  Cortège, fanfare, discours, fête populaire, banquets et feu d’artifice se succèdent. Lorsque le voile recouvrant la statue est retiré, les « Honneur à la République ! » résonnent. Et si le désistement du ministre et le bégaiement du député réjouissent le chanoine Marcel. Le Spectateur écrit : « Faire l’apothéose de Diderot, c’était faire l’apothéose de ce siècle de penseurs, de chercheurs et déjà de révoltés contre les monstrueux abus dont avait toujours, jusque-là souffert l’humanité. M. Bartholdi l’a admirablement compris… ».

De notre correspondante Angélique Roze

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