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« Le rêve du pêcheur » : une émouvante saga franco-camerounaise

Photo DR

“Le rêve du pêcheur” est un roman écrit par Hemley Boum, une romancière camerounaise d’expression française qui s’est déjà forgé une belle réputation grâce aux distinctions reçues lors de ses cinq précédents romans dont l’avant-dernier : “Les jours viennent et passent” est également paru aux éditions Gallimard.

La fiction déroule le destin de trois générations au sein d’une famille de Camerounais, au sud du pays, au bord de l’Atlantique, non loin de Douala où est née Hemley Boum. Là, vit au siècle dernier, une famille de pêcheurs modeste mais heureuse au sein de sa communauté.

Zacharias, le père, est venu à la pêche par défaut mais elle lui permet de nourrir sa femme et ses deux filles : «il aimait cette sensation de faire famille, profondément, de s’appartenir les uns les autres». Une société d’exploitation du bois qui crée ensuite une coopérative de pêcheurs va rompre ce bel équilibre séculaire et être à l’origine d’un malheur qui va se répercuter sur trois générations.

L’autrice déroule alors, au moyen de récits entrecroisés, le destin tragique de Zacharias, de Dorothée sa fille qui déserte la maison pour s’installer dans un quartier pauvre de Douala et de celui de son fils qui porte le même prénom que son grand père. Lui aussi, élevé par une mère prostituée et alcoolique qui lui inspire par moments «une abyssale répulsion», espère pouvoir faire table rase du passé en prenant la fuite… vers la France où il découvre combien «l’exil est un bannissement, une mutilation».

Il se tait et s’adapte, fait des études, devient psychologue, fonde une famille… Mais, «séduction de la chute, attraction du vide», la malédiction familiale plane encore… Seuls pourront le sauver le retour aux racines, le face à face avec ses démons et la libération de la parole…

Un roman puissant servi par une écriture qui mêle adroitement la langue française avec des expressions d’argot camerounais, qui dresse des portraits très incarnés et fait la part belle aux femmes bien plus résistantes dans l’adversité que les hommes. Il démontre aussi la puissance de la tradition, de la transmission et le pouvoir pernicieux des non-dits, véritables bombes à retardement.

Enfin il est un hommage à un beau pays baigné par un océan omniprésent, une campagne fertile sous ces cieux tropicaux, transformée et désertée en peu de temps par l’industrialisation de la pêche et ce qu’elle a généré.

De notre correspondant

Françoise Ramillon

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