Les avocats interpellent le Garde des Sceaux
Justice. Un poste de président du Tribunal judiciaire vacant depuis quatre mois, un nombre de magistrats insuffisant, des personnels des greffes à bout… Et un Garde des Sceaux mutique. Bâtonnier, Damien Wilhelem tire une nouvelle fois la sonnette d’alarme.
Chaumont, son Tribunal judiciaire, Éric Dupond-Moretti connaît, l’avocat y a plaidé à plusieurs reprises, en juin 2015, notamment, à l’occasion d’un entretien accordé au Journal de la Haute-Marne, « Acquittator » s’était alors présenté en « anarchiste épicurien » étranger aux « coteries ». « Faire de la politique ? Jamais et je vais vous expliquer pourquoi. Entre le désordre et la justice ou entre l’ordre et l’injustice, il est un choix qui ne pourrait être le mien ».
Oui, il est bel et bien question de désordre, d’injustice, en quelque sorte. Eric Dupont-Morreti se rappellera peut-être, allez savoir, au bon souvenir de Chaumont à la lecture d’un courrier adressé par Damien Wilhelem, bâtonnier de l’Ordre des avocats de Haute-Marne. Une missive relative à la situation, dénoncée à maintes reprises, observée à l’échelle du Tribunal judiciaire de Chaumont.
“Je déplore l’absence de réponse à mes courriers des 19 juin 2023 et 30 janvier 2024”, rappelle le représentant des avocats haut-marnais. “Le manque d’effectif au cours de l’année 2023 avait d’ores et déjà conduit à une profonde désorganisation du fonctionnement du Tribunal judiciaire de Chaumont. […] Je vous rappelle qu’au mois de septembre 2023, trois postes n’ont pas été pourvus et plusieurs magistrats ont cessé ou réduit leur activité pour des raisons de santé. Malgré le renfort de plusieurs magistrats placés, le Tribunal se trouve profondément et durablement perturbé : les délais d’audiencement des affaires familiales sont aujourd’hui de l’ordre du semestre, les référés ne répondent plus à aucune notion d’urgence. Enfin, les affaires civiles, auxquelles les Etats généraux de la Justice ambitionnaient de redonner leur lustre, sont à l’arrêt. Aucun moyen humain n’est disponible pour mettre en œuvre la politique de l’amiable appelée de vos vœux ”.
Pas de président avant septembre
Différents éléments attestent d’un criant manque de moyens humains. Depuis plusieurs semaines, malgré la mobilisation d’avocats siégeant en qualité d’assesseur, de nombreux dossiers présentés devant le tribunal correctionnel sont renvoyés, faute d’un nombre suffisant de magistrats. Un élément témoigne de la gravité de la situation. “Vous n’ignorez pas que le poste de président du Tribunal judiciaire de Chaumont est vacant depuis le mois de décembre 2023, sans espoir d’être pourvu avant le mois de septembre”, rappelle Damien Wilhelem. “Le cumul de ces facteurs conduit à une faillite de la réponse judiciaire, notamment en matière familiale. Dans ce contexte, on peut légitimement redouter que les litiges qui devraient se résoudre paisiblement devant les Juges aux affaires familiales ne dérivent en conflits aigus, voire violents. Ces affaires se retrouveront immanquablement devant le Juge des enfants ou devant le Tribunal correctionnel. Les effets que nous redoutons sont à rebours des politiques publiques affichées. (…) L’impossibilité de rendre un service public de qualité pèse lourdement sur le moral et la motivation des personnels des greffes. Je n’ignore rien des progrès budgétaires et des annonces faites au sujet des effectifs. Je déplore toutefois de n’en voir aucune traduction, l’effort actuel ayant été concentré sur les juridictions d’Ile de France”, conclut le bâtonnier. Tout en espérant que cet énième courrier ne demeure pas lettre morte.
T. Bo.