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Hippolyte Chauchard : un esprit visionnaire et avant-gardiste (2)

Elu député de la Haute-Marne en 1848, Hyppolyte Chauchard a mis ses mandats au sein du gouvernement, au service de la population. Il a oeuvré pour voir aboutir le projet de sa vie et créera la première bibliothèque cantonale de France. Il s’est battu pour désenclaver la vallée de l’Amance en y faisant passer la voie ferroviaire.

Lors de son premier mandat de député (jhm quotidien du 8 avril 2024), cela fait déjà six ans qu’Hippolyte Chauchard prépare son projet d’ouverture d’une bibliothèque cantonale, réunissant les volumes les uns après les autres sur ses propres deniers, sollicitant ses amis, ses connaissances, les auteurs et ses appuis au gouvernement. A cette époque, les livres étaient très chers et leur accessibilité pour la classe ouvrière quasi impossible. Il sait que ce ne sera pas aisé, une partie de la population est défavorable à ce genre de fondation.

En 1854, il écrira : « J’ai toujours pensé que c’était un devoir, pour les hommes qui ont eu le bonheur de recevoir de l’instruction, de faire participer au même bienfait, ceux qui se sont trouvés dans des conditions moins heureuses. […] Il y a bientôt dix ans, j’ai commencé à réunir les premiers volumes de la bibliothèque de Laferté-sur-Amance et depuis cette époque, je n’ai cessé de travailler à l’accroissement de celle-ci, au prix de sacrifices considérables. »

M. Freslon, ministre de l’instruction publique, fait paraître cette même année une circulaire qui commence ainsi : « Le gouvernement républicain place au premier rang de ses devoirs le soin de procurer, par la propagation des Lumières, le bien-être et le bonheur du peuple. Pour cela, l’établissement de bibliothèques communales populaires rurales s’impose. Cependant, l’Etat n’envisage aucunement de verser de quelconques subventions pour leurs créations. »

Riche catalogue

Il peut entreprendre les démarches. La création d’une bibliothèque nécessite une autorisation du gouvernement dont il s’assure du soutien en offrant la bibliothèque à la mairie de Laferté. Ce sera la première bibliothèque cantonale de France.

En 1850, le règlement est créé et transmis par le ministre de l’instruction publique, les membres du conseil de la bibliothèque sont nommés. Parmi eux, on y trouve le maire, le bibliothécaire, le prêtre, le juge de paix du canton et également le docteur en médecine. Chacun représentait et avait ainsi un regard sur les ouvrages des différentes thématiques, théologie, jurisprudence, belles lettres, histoire-géographie et, surtout, sciences et arts, la plus importante à ses yeux comme il l’écrivit dans son introduction du catalogue : « Je n’ai pas un seul instant, perdu de vue les habitants de la campagne pour lesquels elle était composée. Aussi, la partie la plus considérable de notre bibliothèque est celle qui embrasse les diverses branches de l’économie rurale ». Les livres consultés sur place ou prêtés à tous les habitants du canton étaient consignés dans un registre qui nous est parvenu bien rempli soulignant à quel point la population avait adhéré à cette ouverture.

En 1851 c’est au tour d’un catalogue de 85 pages d’être édité recensant plus de 2 000 volumes et environ 900 auteurs. Les sciences et arts y occupent une grande place représentants tous les métiers, du tonnelier, en passant par la céramique, l’agriculture, l’élevage, le meunier… mais aussi le médecin, la sage-femme, l’avocat… Chacun pouvait y trouver des renseignements sur son travail et s’informer sur les dernières avancées, découvertes ou encore, inventions qu’elles soient technologiques ou autre.

La ligne Paris-Mulhouse

Des oeuvres continuèrent d’affluer jusqu’en 1913. La guerre de 1914-1918 mit fin provisoirement à son fonctionnement. Les registres révèlent une réouverture en 1952 mais de courte durée. La bibliothèque sombre alors dans l’oubli et les livres se volatilisent. Il n’en reste que quelques-uns, retrouvés dans le grenier de la mairie, rongés par les souris et abimés par l’humidité, sauvés par l’association Les Amis du patrimoine de Laferté qui en a commencé la restauration. Leur valeur historique est indéniable. Ce furent les tous premiers ouvrages que des personnes du « peuple » ont eu la possibilité de consulter après leur scolarité.

Hippolyte Chauchard va également se mobiliser pour le développement du chemin de fer dans l’Est de la France et sera amené à présider la commission chargée d’en choisir le meilleur tracé. La plupart des grandes villes réclamaient l’installation d’une gare malgré quelques réticences. C’est ainsi que la ville de Langres se retrouva avec une gare décentrée de l’agglomération et sera contrainte, plus tard, d’ajouter la crémaillère que l’on peut encore voir. A l’inverse, Chaumont vit la création de son viaduc. Il défendra avec force et conviction à l’aide d’arguments le passage de la ligne Paris-Mulhouse par la vallée de l’Amance et obtiendra la gare de Laferté. J. Carnandet, bibliothécaire à Chaumont, écrira un guide itinéraire décrivant l’historique des villes et villages de Paris à Vesoul traversés par la ligne (numéro de station, distance de Paris, descriptif historique de la station) tout y était renseigné.

Hippolyte Chauchard décèdera le 5 août 1877 à Cauterets dans les Hautes-Pyrénées. Sa famille fait rapatrier son corps. Il sera enterré à Laferté où l’on peut encore se recueillir devant sa sépulture.

Sa vie aux autres

En 1858, Mme Guillet de Luxeuil-Les-Bains lui écrira au sujet de son état de santé : « Cela tient, n’en doutez pas, au peu de repos que vous prenez et à l’habitude que vous avez de vous sacrifier pour tout le monde.»

Aujourd’hui, la gare est fermée depuis les années 60, la bibliothèque n’existe plus en tant que telle, seuls les livres restants témoignent encore de son existence. Si le nom de Hippolyte Chauchard apparait sur l’une des rues de Laferté, la mémoire de ses actes s’est effacée et, pourtant, il a consacré sa vie aux autres.

Le 7 février 1871, il écrira : « Je ne crois pas avoir négligé une seule occasion de rendre service. » A en juger par les éloges des maires, des particuliers, du clergé et des hommes politiques, il avait, par ses actes, sa persévérance et ses idées avant-gardistes mais bienfaisantes réussit à faire l’unanimité comme en témoignent les quelques extraits issus de la notice biographique écrite par le Baron de Gail, arrière-petit-fils du député.

Nous avons pu obtenir toutes ces informations auprès d’Yvonne de Carné, l’une de ses descendantes, histoire qui a ressurgi lors de la création de l’association Les Amis du patrimoine de Laferté-sur-Amance.

De notre correspondante Monique Marcy

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