Cour criminelle : un recul dénoncé par les avocats
Un accusé a comparu, les 25 et 26 mars 2024, pour la première fois en Haute-Marne, devant la cour criminelle départementale.
Déclaré coupable du crime de violence ayant entraîné la mort sans intention de la donner avec usage ou menace d’une arme et condamné à huit années d’emprisonnement, l’accusé aurait, il y a peu, comparu devant la cour d’assises de Haute-Marne, composée de trois magistrats professionnels et de six jurés.
Intervenue au terme d’une phase d’expérimentation dans plusieurs départements, la généralisation à l’ensemble du territoire national des cours criminelles vise à éviter la correctionnalisation des infractions criminelles. Avec l’accord de la victime, des faits constitutifs du crime de viol étaient finalement qualifiés de délit d’agression sexuelle. Autre objectif annoncé, « réduire la durée des audiences, permettre ainsi le jugement d’un plus grand nombre d’affaires à chaque session et limiter par voie de conséquence les délais ».
Composée de cinq magistrats, un président et quatre assesseurs, la cour criminelle départementale a vocation à juger en première instance des personnes majeures accusées d’un crime puni de 15 à 20 ans de réclusion, hors récidive légale. Elle est saisie par le juge d’instruction à la fin d’une information judiciaire. Un cas d’appel d’un arrêt de la cour criminelle, l’affaire est présentée devant une cour d’assises.
« Recul dans la démocratie judiciaire »
« Ce système, qui substitue à la cour d’assises composée de magistrats professionnels et de jurés tirés au sort, une juridiction exclusivement composée de magistrats professionnels, a été mis en place au travers d’une expérimentation, dans deux, puis huit départements, à partir d’avril 2019 », précise Damien Wilhelem, bâtonnier du barreau de la Haute-Marne avant d’exprimer des critiques émises, notamment, par de très nombreux avocats. « Sans attendre la fin de la période d’expérimentation, ces juridictions ont été généralisées au territoire national. Il nous apparait qu’il s’agit d’un recul dans la démocratie judiciaire, les citoyens se trouvant écartés du fonctionnement de la juridiction statuant sur les infractions les plus graves, à savoir les crimes. Une des vertus de la procédure d’assises consiste à tenir un débat public complet portant sur les faits et sur la personnalité de l’accusé. Les faits les plus graves, encourant les peines les plus graves, sont jugés au nom du peuple français, par des citoyens. La précédente réforme, permettant un appel des décisions d’assises, avait d’ores et déjà réduit le nombre de jurés en première instance, mais avait permis de constituer un équilibre satisfaisant. Les avantages présentés dans le cadre de l’expérimentation apparaissent assez modestes et se limitent à des aspects matériels : les procès y sont généralement un petit peu plus courts. Néanmoins, ils mobilisent un plus grand nombre de magistrats. Aucun gain significatif n’a été constaté en terme de délai de jugement. La disparition du jury populaire nous apparait un recul dans le lien de confiance qui doit être cultivé entre les citoyens et l’institution judiciaire », détaille le bâtonnier.
T. Bo.