Maman c’est sûr, papa peut-être ?
Associatif. Samedi 16 mars, Chaumont accueillait, sur invitation du trio associatif La Margelle, Mandarine et Canopé, une conférence de Christine Castelain-Meunier. La sociologue étudie et publie au sujet de la place du père dans la famille. Et la réponse à la question est loin d’être une évidence.
Christine Castelain-Meunier est sociologue au CNRS, professeure à l’École des hautes études en sciences sociales et intervient à l’École des psychologues praticiens. Membre du Laboratoire de l’égalité, utilité d’Etat, elle est connue pour ses travaux sur le masculin et le féminin. Elle est également l’auteure d’une quinzaine d’ouvrages traduits dans de nombreux pays. Une » tronche » ? Assurément, et fort élégante d’ailleurs. C’est avec émotion que Christine-Castelain Meunier ouvre son propos sur la place des pères dans le schéma familial, tant le sujet l’habite tout entière depuis des années. Ses réflexions ont débuté après l’étude du mouvement des femmes de 1970, naissance du MLF (Mouvement de libération des femmes) et lutte pour les droits civiques et sociaux. La chercheuse découvre que se fondent en parallèle du mouvement des groupes de défense de la paternité, certains accusant les féministes de les priver de leurs droits, d’autres se contentant d’appeler à une répartition paritaire des devoirs et des droits. Piquée, Christine Castelain-Meunier ne lâchera plus son sujet.
« Vous direz à votre femme… »
Après un passionnant rappel historique de la place du père dans l’Histoire, on se souvient qu’à l’époque des chasseurs-cueilleurs la responsabilité des enfants était mixte, autant que la chasse et la cueillette. C’est avec la notion de propriété terrienne que tout a basculé : l’homme en charge de la rentabilité et de la prospérité, la femme en charge de la descendance et de la question domestique. Puis, au fil des époques, la prépondérance de l’autorité paternelle s’installe avec d’autant plus de force que les preuves de paternité n’existent pas. La révolution industrielle finira pas pousser les hommes hors de la maison pour « gagner le pain », la femme demeure auprès des enfants. Le pouvoir du père diminue au profit de l’économie et de la vie publique, la « mère » débute son règne au dedans de la sphère privée. Au risque de déséquilibres.
Chaussettes dépareillées et couettes de travers
Christine Castelain Meunier rappelle aussi que les générations successives ont tendance, dans leur exercice de parent, à reproduire les modèles du passé. Les femmes peuvent devenir obstacles aux initiatives des pères : « Il y a souvent du soupçon face aux initiatives masculines. Papa va faire tomber le bébé, va l’habiller trop grand ou pas de saison… A générer de la critique, le père devient balbutiant ». Ce soupçon est aussi palpable dans la société : un père à la sortie de l’école ou au square… « Il n’a pas de boulot celui-là. Ou bien : c’est gentil d’aider votre femme! » En bref, faire ou ne pas faire, là est la question. Le père est souvent considéré comme le « tiers séparateur » entre la mère et l’enfant. Christine Castelain-Meunier prône la « paternité relationnelle appliquée », en somme, laisser pleinement la création du lien par de l’intimité, fut-ce telle imparfaite. Chaussettes dépareillées ou pas.
« Fallait m’appeler »
« L’homme sans la femme et la femme sans l’homme sont des êtres imparfaits dans l’ordre naturel. Mais plus il y a de contraste dans leurs caractères, plus il y a d’union dans leurs harmonies. » On ne sait plus qui de Bernardin de Saint-Pierre ou Christine Castelain-Meunier paraphrase l’autre. A vouloir tout gérer, les mères s’épuisent et les pères ne savent plus sur quel pied danser. Les femmes contrôlent les initiatives masculines tout en déplorant qu’il n’y en ait pas assez. Difficile de s’accorder, reconnait volontiers Christine Castelain-Meunier. Elle appelle aussi au « désir ardent de vivre », à tordre le cou aux clichés sur l’idéal viril, à éduquer les garçons sans brider leurs émotions. Vivifiant.
Elise Sylvestre
Précieux instants capturés…
Durant sa démonstration visant à dynamiter les stéréotypes sur la virilité, le micro de Christine Castelain-Meunier connait une avarie technique. Les yeux se tournent vers Marc Duval, rare homme de l’assistance qui rétorque « Ah non, je ne m’assignerai pas au rôle pratique! ». Rires dans la salle. Idem lorsque la conférencière déplore qu’il n’y ait pas d’hommes nus sur les affiches et autres pubs autant que l’on peut voir de femmes. A Marc Duval de répondre qu’il aurait pu s’organiser si on l’avait prévenu… La pédiatre chaumontaise Clarisse Loé Loumou a partagé ses anecdotes et confirme qu’elle s’amuse régulièrement de voir les papas ne sachant pas par quel bout commencer lorsqu’il faut déshabiller le bambin en consultation. Et surtout, dans la veine de son appel à la joie de vivre plutôt qu’à la perfection, Christine Castelain-Meunier a entonné quelques couplets de la chanson de Mercedes Sosa « Gracias a la vida » (merci à la vie). Et merci à elle, surtout.