À Muse, deux heures sur le fil de la créativité collective

Lauréate de plusieurs prix et après avoir récemment exposé au Palais de Tokyo à Paris, Dalila Dalléas Bouzar, peintre et performeuse, s’est rendue, jeudi 14 mars, à Muse. L’objet de ce déplacement ? L’animation d’un atelier finalement devenu une séance de création collaborative.  

« J’espère qu’on ne va pas nous demander de refaire La Joconde ! » Colette, assise sur un banc devant une pièce de lin et un cercle à broder, attend patiemment le début de l’animation. Jeudi 14 mars, si elle s’est rendue à Muse, c’est pour participer à un atelier de broderie pas comme les autres. Ou plutôt à une création artistique collective avec la peintre et performeuse Dalila Dalléas Bouzar. « Le Grand Palais m’a proposé de faire un atelier et l’idée de cette collaboration est venue pour résoudre un problème technique », contextualise celle qui a exposé son œuvre « Vaisseau infini » au Palais de Tokyo, à Paris, entre fin 2023 et début 2024. « On fait le lien entre la peinture et la broderie. Ce que je n’avais pas encore fait. On est un peu dans l’inconnu. »

Réunies pour broder les contours d’un même visage

Les participantes installées, place aux présentations. De Dalila dans un premier temps, mais aussi de sa série de portraits « Princesses », base sur laquelle se fonde cette collaboration. « Ce sont des portraits qui ont été faits d’après des photos prises par Marc Garanger pendant la guerre d’Algérie », explique l’artiste à son auditoire. « J’ai effacé toutes les traces de la guerre pour ne garder que les traits de visages de ces femmes que j’ai transformées en princesses. J’ai voulu voir en elles la résistance intérieure dont elles ont fait preuve et leur redonner de la dignité et du pouvoir. » À la différence que cette fois-ci, autour du visage de la femme choisie, ce ne sera pas un fond noir peint par Dalila, mais les broderies des neuf brodeuses du jour comprenant des membres du Centre socioculturel et deux agents d’accueil de Muse. « Est-ce que vous vous sentez capables de faire des gribouillis ? », sonde la peintre, rapidement confortée dans cette idée. 

Ses collaboratrices du moment seront bien plus efficaces que prévu et en quelques minutes seulement, le tracé des « gribouillis » est déjà réalisé. En bout de table, Colette a opté pour l’écriture, tout comme Sabine. À quelques chaises de là, Cléa, elle, s’est laissée aller au dessin. « Je fais une fleur imaginaire avec l’initiale de mon prénom », décrit la brodeuse amateur, en maniant la fine aiguille. Son coup de main est tel, qu’il en épate la peintre encadrant l’atelier. S’il n’y avait que ça ! L’efficacité des participantes aussi la ravit. « Je ne m’attendais pas à ça ! » 

Une fois achevées, les diverses créations brodées seront récupérées par Dalila afin qu’elle puisse les ajouter à sa toile. Des membres du CCAS devraient également mener cette même expérience, ce vendredi. Les œuvres ainsi produites prendront place dans les locaux de Muse ces prochains mois et y resteront durant plusieurs semaines. De quoi laisser le temps aux Bragards d’observer le fruit de cette collaboration peu commune. 

Dominique Lemoine