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Paroles de fusillés

Le 18 mars 1944, entre 7 h 15 et 7 h 30, onze résistants chaumontais, condamnés à mort dix jours plus tôt, sont fusillés sur le stand de tir de La Vendue. Ecoutons ceux dont les ultimes mots sont parvenus à notre connaissance.

Roland Garnier, 20 ans, fabricant de jouets, Franc-tireur et partisan français (FTPF), domicilié au lieu-dit Chaumont-Garage, Villiers-le-Sec : « Chère mémère, je viens par cette lettre te donner la nouvelle que je suis exécuté ce matin à 7 h… Il faudra venir chercher nos habits… Embrasse tes fils fusillés il faut leur dire que nous n’avons pas fait de victimes… Il fallait bien que cela finisse un jour comme un autre… Nous sommes victimes d’un fou. »

Luc Garnier, 18 ans, frère de Roland, fabricant de jouets, FTPF, lieu-dit Chaumont-Garage, Villiers-le-Sec : « Chers parents, mes dernières pensées sont pour vous et pour une petite fille qui habite près de l’hôtel Saint-Jean et travaille à la poste, je l’appelle Jacqueline.

V.I.V.E. la France. Je pense bien à l’abbé Bour et qu’il se rappelle bien de mes paroles de la dernière fois, lui aussi je l’aimais. A Dieu le vrai jugement, c’est près de Dieu. J’offre ma vie à Dieu pour la JOC [Jeunesse ouvrière chrétienne] de Chaumont. Je pense toujours à mes parents et à tous les Français. J’ai voulu faire mon devoir de Français et je l’ai fait jusqu’à la dernière minute de ma vie, j’ai 18 ans je meurs pour la France. Devant les fusils je crie vive ma patrie, que Dieu la protège. Mes chers parents n’oubliez jamais vos fils qui meurent pour sauver l’honneur de la France et surtout n’oubliez jamais Dieu.

Je meurs avec mon frère Roland que j’aimais tant, et les camarades. Avant de mourir je vais les encourager devant la mort. Un fils qui vous a toujours aimé et qui demande pardon des petites fautes de sa vie. Après ma mort ne pleurez pas car vous aurez l’honneur de vos deux fils aimés. Bon courage, je prierai pour vous près de Dieu.

Ma chère mère, je t’embrasse de tout mon cœur ainsi que mon papa et tous mes camarades Français. Que la France n’oublie jamais ses patriotes du groupe Corse. Vive France d’abord et ne les oubliez jamais. »

« Il faut penser aux petits et à toi »

Jean Tamen, 33 ans, employé SNCF, FTPF, 12, impasse de Châteauvillain, Chaumont : « C’est avec impatience que j’attends ce jour pour te donner de mes nouvelles et te dire combien les jours sont longs loin de toi. La santé est toujours parfaite grâce à toutes les choses que tu m’envoies. Tu me gâtes trop, mon chéri, il faut penser aux petits et à toi… Pour moi il n’y a rien de nouveau. Sitôt qu’il y en aura, je te le ferai savoir… »  (lettre du 6 mars 1944*). « Soigne bien les enfants et dis leur d’être bien sages en attendant mon retour. Toi ma reine, soigne-toi bien et surtout ménage-toi… Embrasse les enfants… » (lettre du 8 mars).

André Jacquinod, 31 ans, ingénieur des Ponts-et-chaussées, agent du Bureau des opérations aériennes (BOA), 26, rue Carrière-Roulot**, Chaumont : « Depuis ce matin de jeudi je sais que vais être fusillé. Je l’ai appris par l’imprudence criminelle d’un camarade qui m’a annoncé que lui était gracié, et par une autre j’ai su que les grâces étaient assez nombreuses ; tant mieux pour les heureux. Mais je n’en suis pas et cela me vaut une journée terrible en attendant… demain matin, car je ne doute pas que ce soit pour demain ».

De 18 à 53 ans

Accusés d’avoir saboté les installations du dépôt SNCF de Chaumont, mis en oeuvre des sabotages de voies ferrées et de ponts entre Bologne et Jonchery, réceptionné un parachutage à la ferme Fragneix (Treix), ce sont au total onze résistants, arrêtés entre le 14 et le 31 janvier 1944, condamnés à mort le 8 mars, qui ont été passés par les armes par les soldats allemands. Outre les frères Garnier, Jacquinod et Tamen, il s’agit de :

Georges Debernardi, 53 ans (né à Paris), directeur de la Sune (usine à gaz) de Chaumont, membre de l’Organisation civile et militaire et agent du BOA, 49, rue Pierre-Curie, Chaumont.

Marcel Lallemand, 31 ans (né à Paris), garde de voies et communications, chef de détachement FTPF, 40, avenue de la République, Chaumont.

Charles Noirot, 28 ans, employé SNCF, FTPF, faubourg de la Maladière, Chaumont.

Louis Parrot, 30 ans (né en Haute-Saône), employé SNCF, FTPF, 12, rue du Château-Paillot, Chaumont.

Raymond Rougeaux, 26 ans, garde des communications, FTPF, faubourg de la Maladière, Chaumont (père de six enfants).

Roger Sollier, 32 ans (né en Meurthe-et-Moselle), ingénieur à la Sune, membre du BOA, 26, rue du Commandant-Hugueny, Chaumont.

René Zimberlin, 33 ans, originaire de la Côte-d’Or, membre du BOA.

* Courriers communiqués par Richard Breton, petit-fils de Jean Tamen.

** Aujourd’hui rue Lévy-Alphandéry.  

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