Méthanisation : une énorme usine pour Choignes
Énergies. Bien qu’instruit discrètement, le dossier d’un super-méthaniseur sur la route de Biesles avance à grands pas. L’enquête publique, ultime phase avant les travaux, commence le 11 mars.
Avec son potentiel de 130 000 tonnes de végétaux à avaler chaque année, le futur méthaniseur de Chamarandes-Choignes est un monstre : presque un nain face aux 220 000 tonnes de Mourenx (Pyrénées-Atlantiques), mais colossal devant les 20 000 petites tonnes de la zone Plein’Est à Chaumont.
Le dossier a été déposé par la société Nature-Energy-Chamarandes-Choignes (NECC) composée d’un groupement de treize agriculteurs locaux détenant 51% du capital, et de Nature Energy pour 49%. Cette dernière est une filiale de Shell, et la présence financière massive d’un pétrolier dans l’opération fait grincer quelques mâchoires. Dont celle de Jean-Jacques Bailly, militant de la Confédération paysanne et qui se veut lanceur d’alerte : « La méthanisation est un procédé qui produit presque autant de déchets, les digestats, qu’il ne consomme de matières premières. Pour l’épandage de ces déchets servant d’engrais, ce sont 142 communes qui sont concernées. »
Gros chiffres
Le projet cumule les chiffres étourdissants : occupant 11 hectares, l’usine n’avalera que 23% de déchets agricoles diverses mais tout le reste en cultures produites intentionnellement. Les résidus représenteront 110 000 tonnes de fertilisants plus ou moins azotés qu’il est recommandé d’enfouir après épandage. Ces zones se répartissent sur plus de 11 000 hectares dans 140 communes en Haute-Marne mais aussi dans l’Aube et jusque dans les Vosges. De taille comparable, le méthaniseur près de Châtillon-sur-Seine (Côte-d’Or) avait provoqué une vague de protestations, mais est désormais opérationnel.
Transparence
Beaucoup d’interrogations naissent autour du projet de près de 80 millions d’euros, dont certaines ont trait à son impact environnemental : combien de camions pour transporter les 130 000 tonnes de végétaux vers les cuves ? Et dans le sens inverse pour l’épandage ?
Le peu de transparence autour du projet jusque-là, sans le rendre vraiment suspect, interroge. L’enquête publique qui démarre le 11 mars devrait lever les zones d’ombre. Sur le site envisagé pour le méthaniseur géant, route de Biesles, soit on a été mauvais communicant, soit on continue dans le flou : le panneau annonçant l’enquête publique est presque invisible et complètement impossible à lire depuis la route.
Une réunion d’information à l’initiative de NECC se tiendra le 12 mars à 18 h 30 à Choignes.
Renaud Busenhard
Méthanisation, mode d’emploi
Les méthaniseurs étaient initialement de petites unités destinées à valoriser les déchets des exploitations agricoles sur place. Désormais, les grosses usines visent des rentabilités massives : les intrants, la somme de la biomasse mobilisée, sont de plus en plus colossaux. Le procédé reste rentable grâce à un prix avantageux de rachat du gaz pour le réseau de distribution national. Devenue une industrie, la méthanisation intéresse les agriculteurs gros producteurs de biomasse et les distributeurs d’énergie, au premier rang desquels Total ou comme à Choignes, Shell.
La réglementation a évolué en 2023, avec des subventions attractives et assouplissant leurs conditions d’accès. Depuis 2022, tout est bon pour suppléer le gaz russe.
L’usine de Chamarrandes-Choignes sera alimentée très majoritairement de CIVE, cultures intermédiaires à vocation énergétiques, autrement dit des céréales produites exprès pour le méthaniseur, et certains s’émeuvent de la cohérence environnementale de ce fonctionnement.
Procédure méticuleuse
Du reste, en effet, les communes en question sont listées dans l’avis d’enquête publique, et leurs habitants invités à s’exprimer. La procédure qui doit amener à la création de cette usine à gaz est extrêmement balisée. NECC a décidé d’entrer dans la danse administrative en sollicitant d’abord une Autorisation environnementale (AE) en juillet dernier. Le dossier comporte une étude d’impact. Sur ces pièces, l’autorité environnementale a rendu son avis le 17 août, NECC a corrigé son dossier en décembre tandis que l’Inspection des installations classées pour la protection de l’environnement donnait son feu vert en octobre. Les commissaires enquêteurs ont été désignés en novembre : nous voici à l’enquête publique, ouverte pour un petit mois, jusqu’au 11 avril.
À l’issue du rapport du commissaire enquêteur portant aussi sur le permis de construire, l’autorisation environnementale sollicitée initialement sera délivrée. Elle est indispensable pour entamer les travaux.
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