Eco-Hebdo : le vertige des chiffres
Pour le patron du groupe automobile Stellantis (Peugeot-Fiat-Citroën, entre autres), Carlos Tavares, ça roule. Sa rémunération est estimée à 36,5 millions d’euros pour 2023. On est très loin des préconisations d’un certain Henry Ford qui affirmait, en 1930, qu’un patron ne devait pas gagner plus de 40 fois que son salarié le moins bien payé de l’entreprise. Dans le cas Tavares, l’écart est de plus de 500 fois avec le salaire moyen payé dans le groupe et de plus de 2000 fois avec le salaire le plus bas. On est sur une autre planète. 100 000 euros par jour, pointe la CFDT de Peugeot Sochaux.
La rétribution servie au PDG n’est pas due au hasard. Elle vient récompenser d’excellents résultats financiers : 18,6 milliards de bénéfice en 2023, soit une hausse de 11%. Là-dessus, près de 1,9 milliard devrait être distribué aux salariés. Pas suffisant, ont tout de suite prévenu les syndicats.
Au-delà des chiffres se pose la question de la légitimité de ces très hauts revenus. Certains parleront d’indécence. Une fois qu’on a dit ça, la frontière entre décence et indécence n’a pas été définie. Henry Ford s’y est essayé, mais le contexte était différent et le groupe qui porte son nom n’applique plus la règle des 400 fois.
En fait, ce n’est pas tant la comparaison au sein de l’entreprise qui heurte que celle qui s’établit avec l’environnement économique. Apprendre le même jour que des agriculteurs travaillant plus de 60 heures par semaine n’arrivent pas à se servir un SMIC pendant qu’un PDG, certes talentueux, parvient à engranger 36,5 millions d’euros en une seule année a de quoi choquer.
Cela dit, le monde économique n’a pas le privilège de ces inégalités. Dans le monde du sport et de la variété, des fortunes colossales se bâtissent en quelques années. Ainsi la revue Forbes nous apprend les revenus du footballeur Cristiano Ronaldo : 248 millions d’euros par an. Les 36,5 millions d’euros de Carlos Tavares en paraissent ridicules…
Patrice Chabanet