La surfusion : un phénomène récurrent dans l’atmosphère
Les gouttelettes d’eau en suspension dans l’atmosphère ne gèlent pas forcément à température négative car leur pureté les maintient en surfusion. Cet état instable peut être reproduit en laboratoire avec de l’eau distillée : au moindre choc, la congélation est immédiate.
Les gouttelettes d’un nuage à température négative se maintiennent à l’état liquide, tandis qu’un aéronef qui les traverse se recouvre d’un givrage parfois sévère lors de leur impact. Surtout de 0 à – 10 degrés (condensation solide), mais jusqu’à – 20 dans les nuages d’orages (cumulonimbus) du fait des courants ascensionnels. Le nez et les verrières de l’appareil givrent, ainsi que les bords d’attaque des ailes, les empennages, les sondes comme les tubes de Pitot qui indiquent la vitesse. Ce danger est contré par des systèmes de chauffage, mais aussi de gonflage pneumatique pour les avions équipés de moteurs à pistons (dont le carburateur peut givrer) ou de turbopropulseurs. Dans le pire des cas, le givrage recouvre tout l’appareil qui s’alourdit. Cette glace réduit son aérodynamisme, diminue sa portance et provoque des pannes de moteurs : l’avion peut décrocher. Le pilote remédie à ce péril en gagnant un niveau où la température est positive (le givre fond), ou un secteur négatif sec (la glace se sublime). Mais un avion froid peut givrer dans un air nuageux légèrement positif. En cas d’intempéries hivernales, les appareils font l’objet d’une pulvérisation préventive dans les aéroports, avant décollage, au moyen d’un fluide antigel comme le glycol.
Des pluies ou bruines positives qui traversent une masse d’air négative prennent un caractère de surfusion. Elles déposent une glace transparente et brillante dès l’impact sur le sol gelé ou les objets. Ces précipitations verglaçantes représentent un grand danger pour la circulation. Le brouillard givrant est constitué de gouttelettes d’eau surfondue qui déposent du givre, du sol jusque sur les infrastructures situées en hauteur. Le givre peut ensuite fondre par un réchauffement diurne qui améliore la visibilité avec dissipation du brouillard. Cependant, l’apport de vapeur d’eau dû à cette fonte, aussi considérable que le givre était épais, sature à nouveau les basses couches de l’atmosphère : le brouillard retombe subitement, à température positive cette fois !
La chute du Transall C160 “R155 61-ZU”
Lundi 11 décembre 1996, en fin de journée, un appareil Transall C160 de la 61e escadre de transport de la BA 123 d’Orléans-Bricy décolle de Saint-Dizier afin de rejoindre son unité ; il est vide de passagers. Le prévisionniste de la BA 113, expérimenté, a fourni un dossier météo éloquent à l’équipage au vu de la situation aérologique dangereuse. Les basses couches sont noyées dans un brouillard givrant et une masse de stratus surfondue, avec ciel clair au-dessus. Ces conditions rares, où règnent de très basses températures, s’expliquent par une extension de l’anticyclone de Sibérie sur un sol gorgé d’eau. Pris par ses obligations opérationnelles, le commandant de bord s’est courageusement décidé au départ. Si l’appareil a givré au décollage, il s’est vite retrouvé dans un air sec d’origine polaire continentale. Son terrain de dégagement, Villacoublay, est également bouché par brouillard givrant, situation qui prévaut sur la France. Lors de l’approche d’Orléans-Bricy, le Transall subit un fort givrage au-dessus de la Beauce, en pénétrant le stratus. Guidé par balise radio, il s’alourdit tandis que ses deux turbopropulseurs s’éteignent par givrage des entrées d’air. Perdant de l’altitude, l’aéronef progresse en vol plané tandis que le balisage lumineux de la piste apparaît dans le brouillard : au pire, il peut “vacher”. Survolant en silence Chevilly, près d’Artenay, l’avion percute une ligne à haute tension, détruisant un pylône, et se pose sur le ventre dans un champ. Les trois aviateurs sont commotionnés tandis que l’appareil endommagé est perdu.
De notre correspondant Patrick Quercy
Sources : Météo-France, Armée de l’Air, France 3, République du Centre.