Michel Jonasz, le blues s’invite à Palestra
Un timbre de voix, une exigence, le groove à fleur de peau, une signature, « de la noblesse et puis du style », Michel Jonasz, Mister Swing, Mister Blues, sera sur scène, jeudi 7 mars, à Chaumont, en compagnie de la fine fleur des musiciens français. “La Boîte de jazz”, “Joueurs de blues”, “Groove Baby Groove”… Michel Jonasz a rendez-vous avec vous.
jhm quotidien : Quels sont vos premiers souvenirs en lien avec la musique ?
Michel Jonasz : Je suis d’origine hongroise, nous nous réunissions souvent en famille chez mes grands-parents paternels, nous écoutions de la musique tsigane hongroise, les violons qui pleurent et qui font pleurer… Il n’y a pas de hasard, tout ce que j’ai aimé par la suite avait certainement un lien avec cette musique tsigane, avec cette nostalgie et cette mélancolie.
Ma mère chantait également très souvent des chansons hongroises traditionnelles, elle avait une jolie voix. Au-delà de ça, mes parents adoraient la chanson française, j’ai ainsi été amené à vivre mon premier choc musical, mon père m’a pris par la main et m’a dit “Je vais t’emmener voir quelqu’un”, il a eu la bonne idée de m’emmener à un concert de Piaf. Adolescent, j’ai écouté Brassens, Ferré et Brel, j’allais dès que possible voir Brel à L’Olympia, dans le même temps, j’ai découvert Ray Charles, “What’d I Say”, le blues, le rhythm and blues et le rock and roll. Je viens de là !
jhm quotidien : Les années 1960 sont les années du rock and roll, d’artistes américains ou britanniques, vous avez choisi de vous exprimer en français…
Michel Jonasz : Pas tout de suite, ce que j’ai aimé, ce qui m’a donné envie de faire de la musique, c’est le rock and roll. J’allais au Golf-Drouot, chez Henri Leproux, où les groupes de rock se produisaient. Avant d’avoir envie de chanter en français, j’ai fait partie de groupes, il y a eu “Vigon et les Lemons”, Vigon chantait, il chante d’ailleurs toujours aujourd’hui, avant son entrée sur scène, il m’avait demandé de chanter une chanson, j’avais choisi un blues, “Hoochie Coochie Man”, de Muddy Waters, ensuite, il y a eu le “King Set”, je chantais du rhythm and blues, James Brown, Otis Redding, Wilson Pickett…
Ce mouvement m’a donné envie de faire de la musique. Je n’avais toutefois pas perdu le goût de la langue française, des textes, de l’importance du texte, des histoires qu’on raconte. Dans ma carrière, j’ai toujours voulu établir un lien entre l’amour des textes et le groove, le rock and roll, le rhythm and blues.
Michel Jonasz : » J’ai appris sur le tas, je ne savais même pas ce qu’était un accord »
jhm quotidien : Il y a la musique, mais également votre attrait, adolescent, pour la peinture, puis le théâtre et le cinéma…
Michel Jonasz : En quittant l’école, j’ai cherché ma voie, je voulais me sentir libre, indépendant, j’ai commencé à pianoter un peu, mais je me suis principalement intéressé à la peinture. J’aimais beaucoup l’impressionnisme, Van Gogh, Utrillo, Manet, Monet, j’ai commencé à peindre un peu, à copier ces peintres que j’admirais. Mon père m’a dit que si je voulais peindre, il fallait que je le fasse sérieusement, il m’a donc inscrit à un cours de dessin. Mon professeur de dessin était très ouvert, il nous conseillait de nous intéresser à toutes les formes d’art, il nous a notamment demandé d’apprendre une scène des “Fourberies de Scapin”, nous avons joué cette scène et ça m’a beaucoup plu.
J’aimais également beaucoup la poésie, réciter des poésies, parallèlement à ça, ma sœur prenait des cours d’art dramatique dans une maison de jeunes de la Porte de Vanves, elle m’a conseillé de venir et j’ai suivi des cours d’art dramatique chaque mardi avec Guy Khayat, qui a par la suite créé le Théâtre 71 à Malakoff. Mon attrait pour l’art dramatique ne m’a jamais quitté, mon rêve était de mener à bien deux carrières parallèlement. A mon sens, il n’y a pas tant de différence entre la musique, la chanson et l’art dramatique. Brel, sur scène, c’était un interprète, un comédien, quand on interprète une chanson, on incarne un personnage, on décrit un paysage. Mais il faut savoir chanter !
jhm quotidien : Ce que vous proposez musicalement est pointu, vous n’avez pourtant pas suivi un apprentissage classique, vous considérez-vous comme un autodidacte ?
Michel Jonasz : Complètement ! Je n’en suis pas fier, suivre un enseignement musical aurait été bien, mais oui, j’ai appris sur le tas, avec des groupes, je ne savais même pas ce qu’était un accord. Je n’ai jamais appris le solfège, j’ai progressé de moi-même, petit à petit, j’ai appris les accords, quand vous connaissez les accords sur un piano, ça suffit pour pouvoir composer. J’ai développé l’art de la composition. Une chanson, c’est quoi ? Des accords, des harmonies, une ligne mélodique et un texte. J’ai progressé dans ce domaine au fil des années.
jhm quotidien : Cet élément peut renvoyer à votre amour du théâtre. Michel Jonasz, ce sont des albums, un travail minutieux en studio, mais Michel Jonasz c’est aussi et surtout la scène, faire face à un public, le surprendre, l’emporter…
Michel Jonasz : Oui, pour moi, se produire sur scène, c’était ça le but ! J’ai vu Brel, Piaf, Brassens et Ferré sur scène, pour moi, chanter, c’est être sur scène. Quand je rentre en studio avec des musiciens, le but est d’aller sur scène, de nourrir un répertoire afin de présenter de nouvelles chansons au public. Ma vie, c’est être sur scène, quand j’écris, quand je compose, mon but est de retrouver le public, de partager de nouvelles chansons, cet objectif et cette envie me nourrissent et me donnent de la force.
jhm quotidien : Votre carrière s’est nourrie de rencontres avec des musiciens d’exception, un des témoignages de votre extrême exigence. Vous serez sur scène, à Chaumont, aux côtés de Manu Katché, Jean-Yves D’Angelo, Eric Mula, Michel Gaucher, Jérôme Regard, Jim Grandcamp…
Michel Jonasz : Avec Jean-Yves et Manu, c’est une longue histoire, nous avons commencé ensemble dans les années 1980 et nous nous sommes retrouvés. Etre exigeant, vouloir surprendre, c’est la base, une histoire d’amour, si on s’endort, c’est mort, la routine, c’est la mort d’un artiste, il faut entretenir la flamme. Ce métier est magnifique, beaucoup rêvent de le faire, ce qu’on éprouve quand on chante sur scène est indescriptible, c’est extraordinaire, mais ça se paie, pas avec de l’argent, avec de l’exigence, de l’exigence dans l’écriture des textes, dans l’écriture des compositions ou dans le choix des musiciens.
J’ai la chance d’être bien entouré, c’est une chance mais également une volonté, j’ai eu la chance de chanter avec la fine fleur des musiciens américains, Steve Gadd, Abraham Laboriel, j’ai toujours veillé à être entouré de très bons musiciens. On ne fait pas de la musique par devoir, on partage quelque chose avec les musiciens, un lien très subtil doit se tisser entre nous, quand ce lien est tissé, on peut établir un véritable lien avec le public. Une femme, face à un homme, peut accepter des faiblesses, des moments de moins bien, la musique jamais.
jhm quotidien : Vous êtes un homme engagé et discret, cette discrétion est-elle naturelle ou voulue, réfléchie ?
Michel Jonasz : Elle n’est pas réfléchie, elle est naturelle. On crée sa vie, je n’ai pas le statut de star, je n’intéresse donc pas certaines personnes, ces personnes qui s’intéressent à la vie privée, c’est ce que je voulais, je suis un artisan de la chanson. J’ai évidemment besoin de promotion, de répondre aux sollicitations médiatiques, je ne suis pas fermé à ça, mais je défends une forme de simplicité. On vit ce qu’on a envie de vivre, je n’ai pas la volonté de me cacher, je fuis simplement tout ce qui peut être intrusif.
jhm quotidien : A quoi les milliers de spectateurs attendus à Palestra, jeudi 7 mars, peuvent-ils s’attendre ?
Michel Jonasz : Sept musiciens m’entourent, le fil conducteur, c’est le blues et le dernier disque que nous avons façonné ensemble, “Chanter le blues”. Ce spectacle est un hommage au blues, mais il n’y aura pas que du blues sous sa forme traditionnelle, je puise dans mon répertoire, il y a bien sûr “Joueurs de blues”, mais aussi “Super Nana” qui n’est pas du tout un blues, d’autres chansons comme “J’veux pas qu’tu t’en ailles” renvoient à une forme de blues.
Nous parlions de Piaf, de Ray Charles et de la musique tsigane, il y a du blues dans tout ça, un lien familial, une forme de déchirure.
Propos recueillis par Thomas Bougueliane
Billets disponibles sur billetterie.veridisquo.fr, E.Leclerc, Ticketmaster, Fnac Spectacles et points de vente habituels.