Eco-Hebdo : redoutables arbitrages
Quand on tire le fil de la pelote des causalités, on s’aperçoit que la crise agricole est plus complexe que les dérèglements de la chaîne qui va du producteur au consommateur. Les causes les plus visibles – les produits sous-payés au paysan et les marges parfois astronomiques des intermédiaires – ont caché les évolutions plus souterraines. Parmi celles-ci : le comportement des consommateurs et les arbitrages de ces derniers. Une approche long-thermiste.
Que nous disent les statistiques ? Le budget alimentaire des ménages est en baisse relative constante. Il est passé de 35% en 1960 à 18% en 2021. En valeur absolue, il s’est stabilisé, selon l’INSEE. Pour l’exprimer clairement, c’est la part d’autres budgets qui s’est développée, le logement et le transport en particulier et qui arrivent presque à égalité avec la part dévolue aux achats de produits alimentaires. Le poids des dépenses dites contraintes.
Arrive maintenant l’inflation, même si elle paraît plus maîtrisée depuis quelques mois. Que risque-t-il de se passer ? Dans l’impossibilité d’agir sur les dépenses contraintes, par définition, les ménages vont faire porter leurs efforts sur le budget alimentaire. Soit ils diminueront le volume de leurs achats, soit ils rechercheront les produits premiers prix. Des arbitrages au quotidien, surtout chez les plus modestes. Le résultat statistique est là : la consommation de produits alimentaires a encaissé un lourd recul de 13,9% entre mars 2021 et avril 2023.
Les producteurs seront confrontés au même dilemme: produire mieux, mais plus cher, ou produire plus, mais moins cher. Qualité contre quantité. C’est dire que la solution à la crise agricole ne va pas de soi.
Patrice Chabanet