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Gérard Bocquillon témoigne après la mort de Robert Badinter

Décès de Robert Badinter : l’émotion de Gérard Bocquillon

Gérard Bocquillon témoigne après la mort de Robert Badinter
Gérard Bocquillon était stagiaire au moment de l’affaire Patrick Henry.

Neveu de Robert Bocquillon, avocat de Patrick Henry, Gérard Bocquillon a eu l’occasion de côtoyer Robert Badinter dans le cadre d’un procès entré dans l’histoire du combat contre la peine de mort. L’avocat chaumontais revient avec émotion sur le parcours et l’œuvre d’un « grand bonhomme ».

jhm quotidien : Quels souvenirs gardez-vous de votre première rencontre avec Robert Badinter ?

Gérard Bocquillon : J’étais jeune stagiaire quand a éclaté l’affaire Patrick Henry. Mon oncle a rapidement compris qu’il était nécessaire de profiter dans le cadre de cette affaire du concours d’un confrère basé à Paris, nous avons donc contacté Robert Badinter. Une première rencontre a eu lieu à Nogent-sur-Seine, une rencontre organisée dans la plus totale discrétion.

Robert Badinter

A l’époque, des journalistes étaient en permanence devant le cabinet de mon oncle, nous nous sommes donc retrouvés, à l’abri des regards, dans un restaurant de Nogent-sur-Seine. Nous avons discuté de l’affaire, Robert Badinter a indiqué qu’il souhaitait en discuter avec sa femme (Elisabeth Badinter, femme de Lettres et figure du mouvement féministe, Ndlr), le lendemain, il a rappelé mon oncle pour lui donner son accord. Par la suite, nous nous sommes rencontrés plusieurs fois. Le petit stagiaire que j’étais a pu participer à tout ça, c’était passionnant.

Nous avons défendu Patrick Henry à Troyes où nous avons passé une semaine. Nous logions à l’hôtel, nous avions des échanges chaque soir, cette expérience fut très intéressante, fabuleuse. Au final, Patrick Henry a échappé à la peine de mort, cette décision marquait une victoire.

Le 30 janvier 1976, à Troyes, Patrick Henry enlève et tue Philippe Bertrand, alors âgé de sept ans avant de se défendre, face caméra, de la moindre implication. Comment votre oncle a-t-il été amené à défendre ce criminel ?

G. B. : Patrick Henry a été incarcéré à Troyes, mais il a très rapidement été transféré à la maison d’arrêt de Chaumont. A Troyes, les personnels pénitentiaires étaient très remontés contre lui, afin d’éviter un drame, il a donc été déplacé. A Chaumont, Patrick Henry a sollicité un avocat troyen. Cet avocat est venu à Chaumont et il a voulu entrer en contact avec mon oncle, qui était alors bâtonnier. Ce jour-là, mon oncle était absent, il plaidait à la Cour d’appel de Dijon, j’ai donc reçu au cabinet cet avocat et il m’a demandé de le conduire à la maison d’arrêt. Je n’avais pas de permis pour entrer, mais j’ai pu accompagner cet avocat et nous avons échangé avec Patrick Henry.

L’avocat troyen lui a dit qu’il n’assurerait pas sa défense, cet avocat craignait des répercussions, sa femme avait été insultée le matin même au marché de Troyes suite à un article indiquant qu’il assurerait la défense de Patrick Henry. Sa femme était furieuse, inquiète. Cet avocat a conseillé à Patrick Henry de faire une demande d’aide judiciaire, comme on disait à l’époque, auprès du bâtonnier de Chaumont. Patrick Henry a écrit à mon oncle en demandant qu’un avocat soit désigné pour assurer sa défense.

Mon oncle a contacté les membres du Conseil de l’ordre des avocats de Haute-Marne, tous lui ont dit, “monsieur le Bâtonnier, c’est vous qui devez le défendre”, il s’est donc désigné. Ensuite, nous avons pensé à Robert Badinter qui venait d’écrire L’Exécution (ouvrage paru en 1973 relatif au procès Buffet-Bontems, Ndlr). Robert Badinter était connu des avocats comme abolitionniste, le grand public le connaissait encore mal.

Robert Bocquillon, l’oncle de Gérard Bocquillon.

Au-delà du combat mené par Robert Badinter, un combat courageux au regard du rapport des Français à la peine de mort dans les années 1970, quels souvenirs gardez-vous de l’avocat, mais également de l’homme ?

G. B. : Cet homme était rigoureux, droit, il aimait échanger, il était d’ailleurs professeur de Droit à la Sorbonne. Le combat contre la peine de mort le passionnait. J’ai beaucoup apprécié les moments que j’ai pu passer avec lui, les conversations que nous avions étaient remarquables, de haute tenue. Nous avons vécu le procès ensemble puis, quelques années plus tard, étant engagé au sein de l’Union des jeunes avocats, j’ai participé à une réunion à Nîmes, Robert Badinter, qui était alors ministre de la Justice était présent.

Un déjeuner a rassemblé plusieurs centaines de jeunes avocats, Robert Badinter était présent, il était naturellement à la table d’honneur, avec le procureur général, le premier président et de hauts magistrats, au cours du repas, je me suis dirigé vers les toilettes, Robert Badinter m’a vu passer, je n’ai pas voulu le déranger, mais il s’est levé, il m’a pris par le bras et m’a emmené dans les jardins de ce restaurant pour discuter. Les magistrats à la table d’honneur se demandaient qui je pouvais bien être. Nous avons discuté, il m’a notamment demandé des nouvelles de mon oncle, je garde un souvenir impérissable de ce moment.

Le procès Henry était celui de la peine de mort, votre oncle et vous partagiez-vous le combat mené par Robert Badinter ?

G. B. : Personnellement oui, j’étais contre la peine de mort, comme beaucoup, pour moi, il était impossible que des hommes décident d’en tuer d’autres. Au début de sa carrière, mon oncle était favorable à la peine de mort, sa position a évolué à l’occasion d’un procès au cours duquel, comme dans l’affaire Patrick Henry, son client avait risqué d’être condamné à la peine de mort. Au moment de rencontrer Robert Badinter pour la première fois, mon oncle et moi étions contre la peine de mort.

Quel a été votre sentiment à l’annonce de la mort de Robert Badinter ?

G. B. : J’ai été ému, des souvenirs sont revenus… Robert Badinter a été un des plus grands avocats français, il a également été un garde des Sceaux de grande qualité, nous en manquons depuis. Mener ce combat contre la peine de mort était quelque chose d’énorme, suite au combat victorieux mené par Robert Badinter, d’autres pays ont commencé à abolir la peine de mort. Robert Badinter est un grand homme, un grand bonhomme.

L’abolition de la peine de mort est-elle acquise dans les esprits ou craignez-vous qu’un débat quant à sa légitimité ressurgisse ?

G. B. : Le débat peut ressurgir, mais l’abolition de la peine de mort a été admise, pour beaucoup de raisons. La raison qui me convainc le plus tient en l’absence de différence des taux de criminalité entre les pays appliquant la peine de mort et ceux ayant eu le courage de l’abolir. La peine de mort ne fait pas reculer un assassin, la peine de mort n’est pas de nature à modifier quoi que ce soit, il est donc préférable de ne pas exécuter les gens. Hormis, peut-être, dans certains cas, assouvir la haine d’un proche d’une personne assassinée, la peine de mort ne me semble pas avoir un quelconque intérêt.

Propos recueillis par Thomas Bougueliane

« Un fond de vengeance »

Interrogé par FR3 en novembre 1992, Robert Bocquillon était revenu sur les pressions endurées dans le cadre du procès de Patrick Henry. « Je recevais tous les jours des lettres de menaces de toutes natures, on m’envoyait des balles par La Poste en me disant “Si Patrick Henry échappe à la peine de mort, tu en recevras une”. (…) On a même menacé d’exercer des représailles sur mes petits-enfants. Le crime en lui-même, tel qu’il avait été décrit, était tel qu’il y a eu une explosion, une explosion qui s’explique, il ne s’agit pas de trouver des motifs ou des mobiles, peu importe, il y a eu une explosion de vengeance, il y a chez chacun de vous un fond de vengeance qu’il est assez difficile de supprimer complètement ».

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