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6 février 1934 : bataille dans les rues de Paris, pugilat dans la presse de Haute-Marne

Les évènements sanglants de 1934 devaient provoquer la création du Front populaire.

Il y a 90 ans, une manifestation anti-gouvernementale à Paris marquait durablement la vie politique française d’entre les deux guerres. Alors qu’un lieutenant de gendarmerie et un étudiant haut-marnais étaient au nombre des blessés dans la capitale, les évènements ont provoqué, dans le département, une guerre… de journalistes.

A chaque moment de l’histoire récente où population, partis ou syndicats font pression dans la rue sur la représentation démocratique, le souvenir de la date du 6 février 1934 est convoqué par la classe politique. Ce jour-là, dans le contexte de scandales à répétition secouant la République (notamment l’affaire Stavisky), la foule se rassemblait à la suite d’un appel à manifestation lancé tout à la fois par les Ligues d’extrême droite, mais aussi par les associations d’anciens combattants, proches de la droite (UNC) ou du Parti communiste (Arac), et qui toutes étaient animées de la même détestation : celle du gouvernement Daladier, lequel venait de révoquer le préfet de police Chiappe. 

Place de la Concorde, la foule est massive. Les esprits s’échauffent, les forces de l’ordre tirent. Bilan : 18 morts, des centaines de blessés parmi les manifestants, un tué et de nombreux blessés parmi les gendarmes et policiers. Le lendemain, Daladier dénonce « un essai de coup d’Etat » fomenté par « des factueux ».

Réalité nuancée

Mais comme bien souvent en Histoire contemporaine, la réalité des faits, interprétée encore aujourd’hui de façon manichéenne, apparaît beaucoup plus nuancée, ainsi que le rappelle Romain Ducoulombier, agrégé et docteur en histoire, dans un article que vient de publier le site de la Fondation Jean-Jaurès. Son propos s’appuie notamment sur les travaux de deux historiens, Olivier Dard et Jean Philippet, qui, en ce 90e anniversaire des évènements, publient une somme reposant sur des sources rarement exploitées, et notamment sur les travaux de la commission d’enquête parlementaire*. Coup d’Etat ? Rien n’est moins sûr.  « Réduire l’événement aux Ligues est […] une erreur d’appréciation, écrit Romain Ducoulombier : la manifestation du 6 février s’est grossie d’un élan populaire et boulevardier spontané, qui explique en partie le débordement des forces de police. C’est l’une des conclusions majeures du livre d’Olivier Dard et de Jean Philippet. »

Témoin contre témoin

Bataille dans les rues à Paris, et, à distance, bataille dans les colonnes de la presse haut-marnaise. Chaque camp a son porte-voix. Dans son édition du 8 février 1934, le très droitier Petit Champenois n’hésite pas parler d’« émeute à Paris contre la dictature maçonnique ». Donnant le bilan – exagéré – d’une quarantaine de morts et de plus de 500 blessés, ce journal ouvrait ses colonnes à un Chaumontais présent à Paris, le Dr Robert Merger, lui-même manifestant « à titre individuel », qui assurait qu’il ne s’agissait pas de la révolte d’un parti, mais d’une « colère contre un gouvernement sans honneur ».

A l’inverse, Le Petit Haut-Marnais, qui a pris fait à cause pour Daladier, titrait, le même jour : « Les droites ont leur émeute, sanglante et préméditée ». Puis, ferraillant avec leurs confrères, les plumes du quotidien citaient, de leur côté, un Haut-Marnais anonyme assurant avoir entendu, dans la foule, ce cri répété : « A l’assaut de la chambre ! ».

Un lieutenant haut-marnais blessé

Reste qu’au-delà de cette querelle de mots, il y eut, dans chaque camp, des victimes haut-marnaises à Paris. Parmi les manifestants, le fils d’un médecin de Saint-Dizier, Raymond Royer, aurait été touché par balle tandis qu’un de ses compagnons était tué. Dans les rangs des forces de l’ordre, un lieutenant de la garde républicaine de Paris, Georges Lacour (1897-1964), né à Braucourt, gendre du maire de Droyes et ancien commandant de la brigade de Chevillon, était blessé « par des projectiles divers » – au menton et au genou, avant d’être assommé – lors de cette sanglante nuit, dont une des conséquences fut la démission d’Edouard Daladier et une des réponses, la constitution à gauche du Front populaire.

L. F. 

A lire : « 6 février 1934, l’évènement choc : les droites, les gauches et la rue », site de la fondation Jean-Jaurès.

* « Février 34. L’affrontement », Fayard.   

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