Vol MH370 : la vérité disparue
Fort des travaux collectifs menés, notamment, par deux journalistes liés à la Haute-Marne, Benoît Bringer présente un film documentaire haletant sur la disparition inexpliquée, le 8 mars 2014, d’un avion de la Malaysia Airlines. Au-delà du mystère et de la souffrance de familles endeuillées, “MH370, la vérité disparue” renvoie à l’essor de thèses complotistes.
Comment est née l’idée de présenter un documentaire en six épisodes consacré à ce crash à ce jour inexpliqué ?
Benoît Bringer : Ce projet a pour origine un article paru dans le magazine Society en 2016. Cet article a été adapté en série documentaire par la société de production du groupe So Press, j’ai été contacté dans le cadre de ce projet afin de collaborer avec Pierre Boisson (journaliste né en Haute-Marne à l’origine, notamment, de l’enquête sur Xavier Dupont de Ligonnès dans le magazine Society, Ndlr) et Emmanuelle Andreani. Le travail des équipes de Society a donc été mené en amont, je suis intervenu au niveau de l’écriture et de la réalisation de ce documentaire. Profiter de différents regards et avis est toujours bénéfique, j’ai également pu compter sur l’aide précieuse de Guillaume Vénétitay (ancien journaliste au Journal de la Haute-Marne, Ndlr) qui est intervenu en qualité d’enquêteur, son concours nous a permis de profiter de nombreuses informations et interviews.
Ce documentaire renvoie à une réalité observée pendant la crise sanitaire liée à la Covid, il faut parfois accepter de faire face à un drame sans disposer de la moindre réponse quant à son origine…
B. B : Exactement, tel est également le propos de cette histoire, en cette époque, on n’accepte pas de ne pas avoir de réponse, dans le même temps, tout le monde peut émettre des théories et des suppositions et trouver un écho sur les réseaux sociaux. Cette situation est favorisée par l’absence de preuve irréfutable, en l’absence d’éléments factuels, les théories du complot peuvent fleurir ici ou là, au final, face à la multiplication des théories, on en vient à ne plus dégager le vrai du faux, la frontière entre le croire et le savoir devient de plus en plus poreuse. Ce phénomène renvoie au titre de cette série, finalement la vérité a disparu comme cet avion a pu disparaître. Sans réponse définitive, tout est possible, tout le monde peut émettre des théories.
Ce crash a pris une dimension internationale, les passagers de ce vol étaient de différentes nationalités, ce vol est parti de Malaisie à destination de Pékin, des débris de l’avion ont été retrouvé à La Réunion…
B. B. : Cette histoire a un caractère universel, on a observé une déferlante médiatique dans le monde entier, ce crash passionne aux Etats-Unis, en Chine, en Malaisie comme en France. Des personnes du monde entier ont décidé d’enquêter, d’élaborer différentes théories, d’explorer les données publiques. Ce crash est le symbole d’une information mondialisée et de l’importance des réseaux sociaux.
La multiplication de théories plus ou moins fumeuses n’est-elle pas insultante au regard de la douleur de familles endeuillées à qui ce documentaire rend hommage ?
B. B. : Ce déferlement n’est pas forcément insultant, ce qui est certain, c’est que les familles des victimes, des familles sans réponse claire de la part des autorités, se retrouvent ballotées entre différentes théories, ces familles sont perdues, elles ne savent plus qui croire. Cette épreuve est donc d’autant plus difficile. Certaines familles ont adopté des théories qui peuvent être trompeuses, d’autres attendent une réponse précise, dans l’ensemble, ces familles n’ont pas pu vivre sereinement leur deuil.
Dix ans ont passé, pensez-vous que l’exploitation d’archives appelées à être rendues publiques puisse à moyen terme permettre de lever le voile sur ce mystère ?
B. B. : Je peux me tromper, mais je ne pense pas que l’émergence de la vérité sera liée à la communication d’archives dans le sens où je ne pense pas que des personnes soient en possession d’informations permettant d’expliquer ce crash. Je pense que l’explication ne peut venir que de la découverte de la majeure partie de l’épave de cet avion. Cette découverte ne peut aboutir qu’à la suite de longues et coûteuses recherches. Les éléments concrets sont rares, nous les présentons dans la dernière partie de ce documentaire. Des débris ont été authentifiés par la justice française, les autorités malaisiennes et Boeing, ces éléments sont toutefois très pauvres, ils ne peuvent pas permettre d’aboutir à une explication rationnelle. A l’heure actuelle, personne ne sait à quel endroit cet avion s’est écrasé, la cause de ce crash demeure également mystérieuse.
Dans l’attente d’éventuels éléments, l’important est finalement d’accepter de n’avoir aucune réponse…
B. B. : Comment faire son deuil quand on ne sait pas dans quelles circonstances un proche est décédé ? Il faut en effet accepter de ne pas avoir de réponse, en dehors de quelques faits concrets, le reste n’est que spéculation.
Ce sujet attise les passions, chacun interprète ce documentaire avec son bagage et ses points de vue. Au final, les personnes qui défendent la théorie d’un complot trouvent que ce documentaire met trop en avant la thèse officielle et celles qui défendent la thèse officielle trouvent que nous laissons trop de place à différentes théories renvoyant à un complot. Chacun a ses certitudes, cette réalité est très significative des réalités de notre époque.
Propos recueillis par Thomas Bougueliane