La Confédération paysanne, l’autre visage du mouvement agricole
A Cirfontaines-en-Ornois, un rassemblement était organisé par la Confédération paysanne. L’occasion de mettre en lumière des revendications souvent différentes des autres syndicats agricoles, et plus globalement, de développer les idées d’un modèle d’agriculture fidèle à ses convictions.
« On est d’accord sur les gros titres, mais moins d’accord quand on entre dans le détail. » Agriculteur à Cirfontaines-en-Ornois, Jean-Pierre Simon accueillait le double de la population du village, mercredi 31 janvier. Dans son exploitation, un rassemblement régional de la Confédération paysanne réunissait adhérents, sympathisants et autres citoyens intéressés par le combat des agriculteurs. « Je ne m’attends pas à des mesures concrètes aujourd’hui ou demain, mais nous sommes réunis pour faire connaître nos positions et nos propositions », commente l’hôte du jour.
« N’importons pas ce qu’on sait produire »
Secrétaire national de la Conf’ venu de la Marne, Christophe Van Hoorne a d’abord ciblé une préoccupation majeure : « Le revenu, c’est est notre revendication principale ». Pour ce faire, l’idée du syndicat est d’interdire tout prix agricole en dessous des prix de revient, et d’instaurer un prix plancher pour une rémunération plus juste. L’éleveur et maraîcher marnais a ensuite abordé un deuxième point important : « les accords de libre-échange, on ne peut plus continuer comme ça ». Les accords Mercosur ou l’importation des agneaux australiens et néo-zélandais (beaucoup moins chers), sont pointés du doigt en exemple pour illustrer la concurrence déloyale dont sont victimes les agriculteurs français. Une pancarte résumait bien l’état d’esprit global : « N’importons pas ce qu’on sait produire. »
Après avoir rappelé « la nécessité de simplifier l’administration », le porte-parole de la Confédération paysanne meusienne, Mathieu Orbion, s’est penché sur la question du bio. Un secteur en crise depuis plus d’un an et demi, pour de multiples raisons : « l’inflation, les marges des grandes surfaces, la confusion des labels… ». Mais surtout, un manque d’accompagnement global. « La croissance à deux chiffres a déstabilisé la filière. Il faudrait des aides pour structurer sur la durée, une reconnaissance pour services environnementaux rendus et surtout un respect de l’application de la loi Egalim. La cantine de l’Assemblée Nationale, par exemple, ne respecte pas les 20 % minimum de produits bio comme cela doit être le cas en restauration collective ».
« Taille humaine »
Alors qu’une « harmonisation européenne des normes vers le haut » a été soulignée à plusieurs reprises, Yoann Laurent, éleveur et porte parole de la Confédération paysanne haut-marnais, a parlé chiffres. Ceux de la Politique agricole commune (PAC) de l’Union européenne, « un gâteau à 9,1 milliards d’euros », dont le partage doit être plus équitable, car « 20 % des agriculteurs ont 80 % du gâteau ».
Enfin le porte-parole de la Conf’ du Grand Est, Thierry Jacquot, a lui développé sur la terre. Dans une logique de « taille humaine », il aimerait un contrôle des structures et une régulation du foncier : « La moyenne des exploitations en Grand Est est de 150 ha, c’est du grand délire. Si vous voulez vous lancer, comme les jeunes, avec 2 ou 3 ha, c’est malheureusement impossible. Je demande une vraie loi foncière pour protéger les terres agricoles à ceux qui veulent vraiment la travailler. » « Installer plutôt que s’étaler », était-il résumé sur un autre panneau.
Bref, la Conf’ propose des solutions. En attendant des avancées concrètes, un appel à bloquer les centrales d’achats a été lancé il y a 24 heures, « non pas pour affamer la population, mais pour dénoncer où va la valeur ajoutée de nos productions ». Des membres présents à Cirfontaines-en-Ornois se rendront à Bruxelles ce jeudi 1er février, où est prévue une mobilisation européenne.
Louis Vanthournout
L’élevage paysan
Parmi ses propositions, la Confédération paysanne vente le concept de l’élevage paysan. Hippolyte Babouillard est bien placé pour en parler, le Haut-Marnais ayant recours à ce modèle depuis 2006 à Leuchey (au sud de Langres). De manière générale, ce modèle « désindustrialise l’élevage et garantit le bien-être pour les animaux, pour l’environnement, mais aussi pour l’agriculteur qui prend du plaisir dans ce qu’il fait. » Concrètement, il incite davantage à élever en plein air qui permet à l’animal « de se créer un système immunitaire plus fort », et de créer « un goût unique lié au terroir local », ce qui n’est pas le cas d’un poulet élevé en cage, en Bretagne comme en Corse, qui aura la même saveur. D’un point de vue nature, l’élevage paysan mise sur la diversité des cultures et le retour à certains éléments qui ont peu à peu disparu comme les haies et les prairies.
Avoir recours à un « abattage de proximité » fait aussi partie de ce modèle. En ce sens, Hippolyte Babouillard se félicite de l’écoute du Conseil départemental, qui se traduit par la construction (travaux en cours) d’un nouvel édifice à Chaumont.
L’ombre de Cigéo
Connu dans la profession depuis qu’il a repris l’exploitation familiale il y a 40 ans, Jean-Pierre Simon l’est également pour sa bataille envers le projet de centre de traitement et d’enfouissement des déchets radioactifs nucléaires, appelé Cigéo. Il faut dire que sa ferme se situe à 5 km à vol d’oiseau du laboratoire de l’Andra qui travaille sur ce projet Cigéo. « Nous sommes rassemblés ici pour un tout autre combat, mais c’est un lieu symbolique », déclarait-il en préambule, rappelant dans le même temps que « la Confédération paysanne est le seul syndicat à s’être prononcé contre le projet Cigéo. »
Si l’actualité du moment est centrée sur les problématiques agricoles, Jean-Pierre Simon révèle que cette rencontre était prévue de longue date pour une toute autre raison. « Normalement, les membres du national de la Confédération paysanne devaient venir pour « se former » on peut dire, traiter des problématiques agricoles, énergétiques et sociales liées à Bure. Ce n’est que partie remise ! » D’une lutte à une autre, il n’y a parfois qu’un pas.
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