Agriculteurs en colère : Colombey-les-cent-cinquante-tracteurs
Les agriculteurs haut-marnais se sont donné rendez-vous à Colombey-les-Deux-Eglises, ce 31 janvier à midi, pour installer le quartier général de leurs revendications.
C’est un lieu à la symbolique forte. Après Beauchemin, le village de Colombey-les-Deux-Eglises est devenu le quartier général de la grogne des agriculteurs haut-marnais. A partir de midi, ce 31 janvier, ils sont près de 300 à s’y être rassemblés, sur un site sécurisé et dédié à cet effet, en contre-bas de la Croix de Lorraine, à l’écart de la route de Lavilleneuve-aux-Fresnes.
Quelque 150 tracteurs étaient stationnés sur la D 19, entre Colombey et Bar-sur-Aube, laissant une voie de circulation pour les véhicules de sécurité si nécessaire. La circulation a été déviée.
Réalisé à l’appel de la FDSEA et des Jeunes agriculteurs, ce regroupement s’est tenu dans un bon esprit. Une gerbe a été déposée sur la tombe de Charles de Gaulle, au cimetière du village, avec l’inscription « Un pays qui ne saurait nourrir son peuple ne saurait être une grande nation », une citation attribuée au général De Gaulle.
Les agriculteurs ont prévu de se relayer jusqu’à ce jeudi 1er février midi. Ils attendent les annonces pour décider de la suite du mouvement.
Reportage Lionel Fontaine et Sylvie C. Staniszewski
Sébastien Riottot (FDSEA) : « Nous ne sommes pas anti-européens »
Le président départemental de la FDSEA 52, Sébastien Riottot, coordonnait les opérations avec les Jeunes agriculteurs, ce 31 janvier à Colombey. A son sens, la sécurité prime sur les mobilisations orchestrées en Haute-Marne. Les annonces faites jusqu’à présent n’étaient pas suffisante pour calmer la colère du monde rural. « La question des jachères reste en suspens, on n’a rien non plus sur le volet transmission et on est loin du guichet unique ! »
« Nous ne sommes pas anti-européens, ni anti-Macron, On veut juste que ça tourne », conclut-il.
Un signe de ralliement pour les paysans haut-marnais
A la tête de Vauthier SEPAC, Jean-Luc Vauthier est très impliqué dans le mouvement des agriculteurs haut-marnais. Il a pris l’initiative de faire fabriquer des casquettes et autocollants aux couleurs bleu, blanc, rouge avec le message « Tous paysans ». « L’idée est que la cause de l’agriculture soit défendue et de faire vivre ce mouvement dans la durée. Il est apolitique et rassemble tous les acteurs du monde de l’agriculture. J’ai envoyé une casquette à Emmanuel Macron, une à la préfète de Haute-Marne ainsi qu’au président du Conseil départemental », explique-t-il depuis Colombey. Des produits fabriqués par Les Chipies d’Eugénie, à Rougeux. Et vous, vous avez la vôtre ?
Mobilisation à Colombey : le directeur de la Cobevim en soutien
Directeur de la Cobevim, David Thenail était présent ce 31 janvier à Colombey. « Je tenais vraiment à soutenir le monde agricole. On en a tous marre du millefeuille administratif et des contraintes qui viennent les unes sur les autres au fil des années. La cause est réelle et sérieuse. Sans agriculteurs et sans éleveurs on n’est plus là. »
Des relations pas si idylliques entre De Gaulle et les paysans
Contrairement à ce que l’on pourrait penser aujourd’hui, Charles de Gaulle, qui vivait pourtant dans la campagne haut-marnaise, et le monde paysan étaient loin d’être sur la même longueur d’onde.
On oublie ainsi qu’en 1960, la FNSEA était vent debout contre le Général, la position ferme de ce dernier sur le prix du lait ayant même amené un dirigeant syndical à estimer que « l’on ne peut rien obtenir du bon vouloir du gouvernement, […] l’action pacifique ne paie plus ».
C’est à un élu haut-marnais, le sénateur Edgard Pisani, nommé ministre de l’Agriculture en 1961, que le fondateur de la Ve République doit l’amélioration des relations avec les agriculteurs. Le ministère de l’Agriculture rappelle que le ministre, « fin négociateur », « est le père de la loi d’orientation agricole qui transforme et modernise l’agriculture française en concertation avec la jeune génération d’agriculteur […] Edgard Pisani est également l’interlocuteur français pendant tout le démarrage de la Politique agricole commune ».
Un Haut-Marnais au secours
A cette époque, le Marché commun européen – qui ne réunissait que six Etats – était considéré comme « l’espoir n°1 de l’agriculture française » par ses dirigeants. Au point qu’on imputera à la déception du monde agricole le ballotage en 1965 du Président sortant, en raison de certaines prises de position françaises à l’échelle européenne. La baisse de confiance des agriculteurs envers Charles de Gaulle expliquera même le départ du gouvernement d’Edgard Pisani, en 1966.
L. F.
Pour en savoir plus : lire le chapitre « Le général de Gaulle et les agriculteurs » (Isabel Boussard), dans La politique sociale du général de Gaulle.