“La jeune fille et le feu”, de Claire Raphaël, aux éditions Rouergue noir
Une femme est morte, brûlée vive dans son appartement au cœur d’une cité de la grande banlieue parisienne. Suicide ? Crime ? Sa fille aînée, Astrid, jeune lycéenne, a alerté les policiers puis elle a disparu… On sait qu’elle vivait seule avec sa mère, dépressive, alcoolique et violente… qui avait perdu la garde de ses deux plus jeunes enfants. On la cherche. Quelle est sa part de responsabilité dans ce drame ?
Claire Raphaël a déjà écrit trois romans policiers, tous traversés par le même thème : les relations familiales toxiques aux conséquences irrémédiables et les conditions faites aux femmes. Elle dresse ici le portrait d’une adolescente à la personnalité complexe. L’enquête est confiée cette fois, non plus à son héroïne récurrente, Alice Yekavian, mais à une jeune policière, Jasmine, qu’elle choisit comme narratrice et à Tom, chef du commissariat local. Au fil des jours, l’étau se resserre autour de la jeune fille, qu’ils considèrent comme une victime et épargnent de leur mieux.
Une peinture pertinente du milieu des cités, de la jeunesse de ses quartiers, des conséquences sociales de la migration : « La cité c’est un ilot qui pourrait ressembler à une ville nouvelle dans laquelle on aurait oublié d’installer des commerces et des institutions. C’est une île perdue qui a inventé ses propres usages à défaut de culture ». « On a abandonné les premiers immigrés sur le plan politique et culturel, explique Tom à sa partenaire, si bien que leurs enfants sont sauvages, comme tous ceux qui voient trop bien la faiblesse de leurs parents, parce que le respect et l’admiration des parents, c’est ce qui tient les gosses, non ? »
Un portrait réaliste des difficultés d’un milieu et d’un métier que Claire Raphaël connaît bien puisqu’elle est ingénieure de la police scientifique et travaille en région parisienne. Elle décrit, dénués de moyens, impuissants face à la montée de la violence, des policiers surmenés qui s’efforcent pourtant de rester humains : « On s’use vite dans ce métier, on s’use dans l’échec répété, dans l’impuissance qui devient la règle, dans le face à face avec l’hostilité du peuple, en entendant la rumeur des bourgeois mécontents, en entendant la haine alimentée par l’ultra gauche ». « On fait, conclut Jasmine, la narratrice de cet émouvant roman, un travail utile dans des conditions indécentes ».
Un polar où l’auteure rend compte sans phare d’une expérience de terrain, de ceux qui portent aujourd’hui à bout de bras une jeunesse désorientée, les policiers, les juges, les enseignants, les éducateurs, quand les parents, épuisés, ont déclaré forfait.
De notre correspondante Françoise Ramillon