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Dix garçons, sept filles, l’histoire de la fratrie Chanet

La famille Chanet au grand complet. (Photo D.R.)

En Haute-Marne, le nom « Chanet » signifie quelque chose. Originaires de Chateauvillain, aujourd’hui expatriés pour la plupart à Saint-Dizier, les Chanet sont connus dans l’univers de la boxe, la fête foraine ou encore les marchés. Josiane, l’ainée des 17 enfants, évoque leur histoire.

Ils s’appellent Josiane, Roger, Germain dit « Dodu », William, Françoise, Guy, Jean-Maurice, Marc, Annick, André dit « Noun », Charles-Philippe dit « Khroutchev », Béatrice dite « Pépette », Manuella dite « Pat », Sylvie, Nathalie, Francis et David. Ces dix hommes et sept femmes composent la fratrie Chanet, les 17 enfants d’Henri et Germaine, sachant qu’il n’y a ni jumeaux, ni triplés. « On était nombreux, mais on n’a jamais rien manqué, jamais raté un repas, je peux vous le garantir », se souvient Josiane, l’aînée.

Pendant une heure et demie, la grande sœur s’est confiée sur sa famille, partageant des souvenirs, entre nostalgie et émotion. Un vécu, une histoire, leur histoire, pour rendre hommage – « Personne n’est au courant de ma démarche » – à tous ceux qui l’ont accompagnée il y a de ça soixante ans, dont certains ne sont malheureusement plus de ce monde.

Nomades

La famille Chanet, c’est d’abord des parents : Henri, né dans l’Eure en 1927, et Germaine, née en Côte d’Or en 1923. « Ils faisaient ce que l’on appelait à l’époque du porte-à-porte », raconte Josiane, qui naquit quelques mois après leur mariage. On les retrouvait ensuite sur les marchés « à Ligny, Joinville, Saint-Dizier, et dans les petits pays ». Aujourd’hui âgée de 76 ans, l’aînée se souvient parfaitement de sa jeunesse et des valeurs transmises par ses aïeux : « Chez nous, il y avait la politesse, le respect, un « bonsoir » à chaque fois. C’est pour ça aussi que les gens nous aimaient. On n’a jamais eu affaire à la police. »

Installée à Châteauvillain, la famille vivait d’abord dans un bus (avant d’acheter une maison), réaménagé pour l’occasion. « Il y avait des lits superposés et d’autres par terre, avec des matelas en toile rembourrés par de la paille que l’on changeait toutes les semaines. Il y avait une cuisine séparée aussi. Pour l’eau, on allait en chercher dans les lavoirs, parfois dans des douches municipales qui étaient payantes. Et pour les toilettes, on faisait dans des seaux. »

Solidarité

En charge de ses frères et sœurs la plupart du temps, Josiane n’a pas eu le temps pour les études. Mais comme elle dit avec humour, pour illustrer sa jeunesse, « j’ai eu deux bacs : l’un pour laver, l’autre pour rincer ». Outre le linge, la sœur aînée cuisinait aussi pour la fratrie. Un autre souvenir lui vient en tête, lorsqu’elle préparait des frites : « J’épluchais 15 kg de pommes de terre, que je faisais ensuite blanchir, c’était plus simple. Quand les piots revenaient de l’école, ils prenaient des poignées en passant, il n’en restait presque plus ensuite ! »

Avec autant d’estomacs, les courses se faisaient en conséquence : « 15 l de lait, 10 à 15 baguettes, 2 kg de beurre… Pour faire des gâteaux, on gardait la crème du lait. » Et à Noël, pour cette famille de tradition catholique, « c’était la fiesta ! Dans le sous-sol de la maison, on mangeait des escargots, des fruits de mer, des salades composées, la bûche… Tout le monde participait. On se déguisait, on dansait. Et le 31 décembre, on remettait ça ! »

Des souvenirs parmi tant d’autres que la Bragarde (installée depuis plus de quarante ans), prend plaisir à partager. « C’était vraiment une belle époque où l’on était heureux avec pas grand chose. Nous étions 17 enfants quand on y repense… ». Aujourd’hui, la fratrie est partagée entre Saint-Dizier (où une rue Maurice-et-Jackson-Chanet verra le jour aux Carpières), Châteauvillain et les alentours. Avec fierté, elle se réjouit à l’avance de voir Jean-Maurice – le célèbre boxeur – être mis à l’honneur pour la 150e Foire de Pâques dans quelques semaines, sur laquelle la famille jouera à nouveau sa partition.

Louis Vanthournout

l.vanthournout@jhm.fr

Le filleul du Général de Gaulle

Parmi les enfants, l’avant-dernier, Francis, avait une particularité : il était le filleul du Général de Gaulle. « A l’époque, on habitait à côté du Général (qui était président de la République, en 1963) », explique Josiane qui garde en mémoire une anecdote : « Il était dans sa DS, lorsque son chauffeur a failli renverser un petit frère qui traversait sans regarder ».

Le jour du baptême, le 26 janvier 1964, à Châteauvillain, « le général était représenté par le préfet Raoul Moreau. Il avait demandé des photos et avait envoyé un mandat de 200 francs. C’était son seul filleul dans le département », se souvient Josiane. A la recherche de photos de l’époque, la sœur aînée garde en mémoire que « Francis avait été présenté sur le parvis de l’église » et « qu’il y avait un monde fou ».

Né le 7 novembre 1963, Francis est décédé jeune, en 1981. Si la grande sœur en reparle aujourd’hui, « c’est pour ne pas qu’il soit délaissé, abandonné de nos mémoires ».

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