Les charmes de la plus petite commune de Haute-Marne
Récemment, l’Insee a fait paraître ses chiffres concernant la démographie en Haute-Marne. De toutes les villes et villages, Charmes-en-l’Angle arrive à la dernière place, avec seulement six habitants. jhm quotidien est allé leur rendre visite.
Il est des endroits qu’on croirait figés. Charmes-en-l’Angle, commune de Haute-Marne la moins peuplée, avec ses six habitants, selon le dernier chiffrage de l’Insee, est de ceux-là. Et il n’est pas infamant de dire qu’on sent une profonde quiétude en passant le panneau de Charmes-en-l’Angle.
La commune, s’étendant sur environ 780 hectares, et attenante à Charmes-la-Grande, a connu ses grandes heures au milieu du XIXe siècle. Les forges alentours battaient à plein, et près de 200 personnes y vivaient. Il y aurait même eu, selon les souvenirs d’une ancienne habitante rapportés par le maire Charles Dubois, un café, sur le flan de ce qui est aujourd’hui une colline recouverte de forêt, au sommet de laquelle trône un château d’eau. Mais depuis, la population du village n’a fait que décroître, à de rares et légers rebonds près.
Paradis pendant les canicules
Pas de quoi, pour autant, déprimer ses habitants. « C’est formidable, pendant les canicules, ici, il y a tellement de végétation que l’air reste respirable », s’enthousiasme Jacques Meilley, 77 ans et installé à Charmes-en-l’Angle depuis 2017. Il est le gardien de la maison du maire, qui n’est d’ailleurs – et c’est cocasse – pas compté parmi les habitants de la commune par l’Insee, puisque sa résidence principale est à Paris. Pour autant, Charles Dubois, élu depuis 2014, passe énormément de temps dans son village.
Six habitants, c’est certes peu, mais la commune ne s’enferme pas dans le chauvinisme. Deux résidents sont Belges, un couple anglo-irlandais y habite également, et une autre, bien que Française, vit très souvent à Maurice, dans l’océan Indien. « Nous sommes un village très ouvert », lance Charles Dubois, une pointe de satisfaction dans la voix. Quatre nationalités différentes pour six habitants, pas certain qu’une autre commune ait un meilleur ratio en France.
Mini mairie à Charmes-en-l’Angle
Lors de notre visite, jeudi 4 janvier, ils n’étaient pas nombreux à Charmes-en-l’Angle. Seulement le maire, son gardien, le couple britannique – dont la porte est restée fermée – et un agriculteur retraité, pas vraiment enclin à la causette. Qu’à cela ne tienne, visitons ! À deux pas de la maison de l’édile, la mairie, d’une superficie d’à peine 10 m2 et dans laquelle le portrait d’Emmanuel Macron paraît disproportionné. Il faut au maire fouiller dans les archives pour obtenir quelques chiffres : le dernier mariage célébré dans la commune remonte à 1997, la dernière naissance y ayant eu lieu, à 1986, le dernier décès, à 1978.
Une mairie riquiqui, qui n’empêche pas les élections d’y avoir lieu dans le plus pur respect du vote démocratique. « Quand je suis devenu maire, nous avons acheté un isoloir. Avant, les gens votaient en se cachant derrière la porte », sourit Charles Dubois. Un problème s’est toutefois posé lors des élections municipales de 2020, en pleine crise Covid. Impossible de respecter les normes sanitaires dans un endroit si étriqué. Alors, les habitants de Charmes-en-l’Angle ont voté en extérieur. Et pourquoi pas.
Explosion démographique l’été
La visite se poursuit dans une bâtisse collée à la mairie. Avant, des patients de l’hôpital André-Breton venaient y séjourner quelques jours voire quelques semaines. Ce n’est plus le cas. « Ça nous a fait une perte d’environ 3 000 € », grince l’édile, qui déplore aussi une diminution de la vente du bois, dont sa commune est recouverte mais dont la majeure partie est propriété de Charmes-la-Grande. Résultat, c’est la taxe sur les pylônes qui rapporte le gros de son argent à Charmes-en-l’Angle : 10 000 € sur des recettes globales de 28 000 €, pour 2023 (les dépenses avoisinent quant à elles les 25 000 €).
Continuons notre promenade, autour de l’église, où une messe annuelle est tenue tous les troisièmes dimanches d’août. De quoi faire exploser la population de la commune, avec régulièrement une cinquantaine de fidèles présents.
Nous ne nous aventurerons pas dans les maisons vides, donc la visite s’arrête ici. Les aboiements de deux dogues allemands et les chants des oiseaux parfont l’ambiance sonore bucolique de la commune. Le soleil est de sortie. Il faut avouer que c’est agréable. Un dernier coup d’œil sur Charmes-en-l’Angle. « Vous avez vu, on a pas mal de locataires », se marre Jacques Meilley. En effet, la pelouse est recouverte de taupinières. Manque de chance, les taupes ne sont pas encore prises en compte par l’Insee dans ses comptages…
Dorian Lacour