Un nuage majestueux : le cumulonimbus
Alors que la répartition conventionnelle des nuages s’effectue sur trois étages de la troposphère (du sol jusqu’à la tropopause), le plus majestueux d’entre eux, le cumulonimbus (code aéronautique international CB), s’étend sur tous ces niveaux en générant les orages.
La base d’un CB peut être mesurée à partir de 300 m d’altitude, à l’étage inférieur de formation des nuages, tandis que son sommet s’étale sous la tropopause qui constitue une zone de transition entre la troposphère et la stratosphère. Indépendamment d’éventuelles inversions dans les basses couches, près du sol, la température décroit avec l’altitude à raison de 0,65° C tous les 100 m. Elle se stabilise à – 56° C en moyenne à la tropopause, puis remonte ensuite. Cette inversion maintient les nuages dans la troposphère, tandis que le sommet des CB s’y étale en une forme d’enclume fibreuse que les météorologistes nomment cirrus spissatus cumulonimbogenitus (cirrus épais né d’un CB).
Initialement de genre calvus (chauve), le CB devient alors capillatus (chevelu). Quant à la tropopause, située à 11 km d’altitude dans l’atmosphère standard de type OACI (Organisation de l’aviation civile internationale), sa hauteur varie selon la latitude et la saison : de 8 km aux pôles et jusqu’à 17 km à l’équateur. Les CB sont présents dans les fronts froids actifs des perturbations, puis à l’arrière, dans la traîne, avec un régime d’averses créé par l’advection froide sur un sol chaud. Ils constituent des lignes compactes dans les fronts froids secondaires, plus actifs que la limite initiale, du fait de descentes successives d’air polaire maritime. L’été, ils se forment parfois çà et là, au niveau des cols barométriques (entre deux dépressions et deux anticyclones) et dans les régions où la pression atmosphérique stagne autour de 1 013 hectopascals (HPA), soit une valeur moyenne, avec des isobares très relâchées (marais barométriques).
La convergence aérologique des centres d’action au niveau des cols, les spécificités locales (température, humidité, relief, géologie), font que ces cellules orageuses y naissent subitement par vent calme, comme sur le plateau de Bure-Saudron en Meuse (jhm quotidien de lundi 24 avril 2023).
Au niveau de l’équateur, dans la Zone de convergence intertropicale (ZCIT), de véritables murailles de ces nuages d’orage s’érigent du fait de la rencontre des vents alizés qui proviennent des hémisphères nord et sud : c’est le Pot-au-noir de la marine à voile et des pionniers de l’aéropostale.
Près du Brésil en 2009, le vol Air-France 447 Rio-Paris s’y est perdu : le givrage des tubes de Pitot qui indiquent la vitesse a entraîné le décrochage de l’Airbus A330-200. De plus, les violents courants ascensionnels qui règnent au sein du CB, surtout l’été ou dans la ZCIT, font que le sommet de ce nuage convectif parvient parfois à franchir la tropopause pour faire irruption dans la stratosphère !
Les phénomènes et nuages associés
Le frottement des particules dû aux puissantes ascendances du CB entraîne des phénomènes électriques (électro-météores) : foudre, tonnerre, et feux de Saint-Elme (lueurs sur les ailes d’aéronefs et mâts des navires). Une forte turbulence y règne, favorisant la formation de grêle et grêlons ; un givrage sévère s’y produit car la plus grande partie du nuage est à température négative. Le CB s’accompagne d’abondantes précipitations et de vents violents parfois tourbillonnaires (grains, trombes terrestres ou marines). Sa base est précédée de cumulus fractus, nuages bas fragmentés issus de l’évaporation des précipitations : les pannus. Aux abords de cette cellule orageuse, qui peut s’étendre sur des dizaines de kilomètres, apparaissent des nuages pré-orageux de l’étage moyen : les altocumulus mamma (mamelle), émaillés de protubérances sombres dues à la forte turbulence. Un nuage bas annexe nommé arcus (arc) peut se former à l’avant de la ligne des précipitations : sa configuration évoque un rouleau ou un arc. Les CB sont plus développés l’été, du fait d’une tropopause élevée en air chaud volatil, tandis que les orages neigeux qu’ils peuvent générer l’hiver demeurent faibles, avec une tropopause plus basse en air froid visqueux.
De notre correspondant Patrick Quercy
Sources principales : école nationale de la météorologie (ENM) Toulouse.