Marie Labbé préfère le fil chaumontais à celui des palaces
Histoire de l’art, artisanat sont les deux passions qui ont conduit Marie Labbé à devenir tapissière. La voilà installée à Chaumont. Où le bouche à oreille produit peu à peu ses effets. Sans que Marie fasse état de ses prestigieux chantiers.
« J’aurais eu un aïeul matelassier… ». De quoi amuser Marie Labbé. De son côté, elle sait que c’est bien « faire quelque chose de ses mains, en s’appuyant sur l’histoire de l’art », qui font la punchline de sa vocation. Si, il y a aussi « l’attirance pour les matières, les tissus », bref, Marie a voulu devenir tapissière. Scolarité jusqu’au lycée à Chaumont, CAP de tapissier-garnisseur à Dijon, CAP et BP couture d’ameublement à Liffols-le-Grand, cinq années d’apprentissage en somme… auxquelles trois de design d’intérieur s’ajoutent, la trentenaire a une sérieuse assise. « Dommage qu’on continue de dire aux élèves : vous êtes médiocres, allez en CAP… C’est sous-estimer l’artisanat ».
Covid, le coup de massue
« Plaisir tactile, plaisir des yeux ». La tapissière carbure à ces deux moteurs. Elle sait que « derrière (un tissu), il y a un travail : le mélange des couleurs, le mélange des matières ». Un labeur qui a « un côté très créatif ». On ne deviendrait pas « éditeur de tissus » sans ce potentiel inventif. Qui se renouvèle à une rude cadence, précise-t-elle : « les tendances des tissus évoluent tous les six mois ». Ce changement quasi permanent n’arrange d’ailleurs pas les affaires des tapissiers, qui doivent ainsi (trop) souvent investir pour présenter des échantillons à leur clientèle. Avant l’inflation, le Covid avait déjà fait exploser les prix des tissus, « une hausse de 20 € le mètre… », Marie l’a comme ses homologues, vécue.
Ennui ? Jamais !
« Sur les chantiers, on en apprend tous les jours. Jamais je ne m’ennuie ». Les tissus vivent… « Des rideaux de laine réagissent beaucoup à la température », par exemple. Il est arrivé à Marie, en plein été, de devoir reprendre des ourlets à trois reprises, tant ils s’alourdissaient. Pareillement, le lin rétrécit. C’est qu’à la manière du chanvre, du coton, il s’agit de « matières naturelles ». C’est « en étant confronté aux problèmes qu’on s’en aperçoit ».
Vers la déco d’intérieur
Si Marie Labbé fait partie du cercle envié des sous-traitants des entreprises demandées par des établissements de prestige, des « VIP » sur-attachées au secret… dont elle ne dira donc rien, c’est à Chaumont qu’elle s’est installée, fin avril. Il ne suffit pas d’y trouver des habitants « à pouvoir d’achat », soutient-elle, avoir des moyens financiers « ne fait pas tout, mais l’éducation, oui ». Ainsi, « il faut vouloir mettre 1 000 € dans un meuble au lieu de 400 € dans celui d’un magasin classique… et à la place d’un téléphone mobile ». Le bouche à oreille fait connaître la petite nouvelle. Qui a aussi un… fil Instagram, une présence 2.0 impérative aujourd’hui, même si les réseaux sociaux ne la captivent pas. « Des rideaux de 3,50 m de hauteur, c’est environ 4 000 €. Mais entre le devis et la concrétisation de la commande, plusieurs mois s’écoulent ». La longueur des chantiers est « éprouvante ». La professionnelle doit également composer avec les « surprises » quand elle restaure des fauteuils. « Quand on le démonte, on ne sait pas ce qu’on va trouver en dessous ». Et ces surprises là sont naturellement impossibles à facturer en amont. Aussi, pour l’heure, pas question de renoncer aux commandes à destination de noms qui brillent sur la planète. Mais Marie a hâte de préciser son créneau à Chaumont : « moins tapisser et faire plus de déco d’intérieur ».
Fabienne Ausserre
f.ausserre@jhm.fr