La probité même – L’édito de Patrice Chabanet
Il serait difficile de lui trouver un adversaire. Jacques Delors qui vient de disparaître était unanimement apprécié. L’homme avait une rigueur morale qui lui faisait préférer ses convictions à sa carrière politique. Ainsi, plébiscité dans les sondages, il renonce à se présenter à la présidentielle de 1995. Un exemple à suivre mais qui n’a jamais été suivi…
Son nom restera attaché à la construction européenne dont il sera l’architecte le plus fervent et le plus déterminé. On lui doit entre autres l’Acte unique européen, le programme Erasmus d’échanges étudiants et, bien sûr, la création de l’euro. Des avancées qui ont souvent suscité de vives oppositions chez les anti-européens. Mais aujourd’hui qui demanderait la suppression de l’euro ? Le Royaume-Uni qui a quitté le bateau européen s’en mord les doigts.
Partisan de la deuxième gauche, le ministre des Finances qu’il était alors n’avait pas eu peur des recettes libérales pour redresser des situations périlleuses. Dès 1982, il tord le bras du Programme commun pour lancer la France dans le tournant de la rigueur.
On serait en peine de nos jours de lui trouver un héritier politique. La gauche est devenue l’ombre d’elle-même, sans véritable leader. Et pourtant il n’avait pas de charisme particulier. Son anglais avec un puissant accent français faisait sourire. Jacques Delors n’aurait pas aimé l’avalanche de louanges dont il est l’objet depuis l’annonce de sa disparition. Juste retour d’une probité et d’une simplicité qui ne l’ont jamais quitté.