Damien Saez, le début d’autre chose
Critiquer, dans le bon sens du terme, juste après un concert, dresse l’ambiance d’un instant. Revenir sur une tournée complète, avec du recul, en résume la tonalité. Damien Saez est de retour, et avec le sourire, s’il vous plaît !
Ecouter Saez, pour celui qui n’en a pas l’habitude, c’est un peu tomber dans l’excès. On déteste (parce que c’est sombre, souvent). Ou on adore, parce qu’on se dit que Brel, Ferré ou Brassens tiennent là leur digne héritier.
Le voir en concert, c’est différent. Saez ne tombe pas dans le marketing, ou maladroitement. Les salles pleines sont donc en toute logique le résultat d’un constat tout simple : le bonhomme assure face au public. Il est doté d’un charisme incroyable. Et il arriverait à attendrir les cœurs de pierre. Le public – son public – suit. L’autre public, celui qui va pour voir, pour mieux malmener peut-être ensuite, est conquis. Parce qu’assister à un concert de Saez est une expérience.
Un retour
Seulement, les travers du garçon ont par le passé alimenté, pour le moins, les déceptions. Au point de frustrer ceux sur qui les annulations sont tombées, notamment en 2019. De la joie de revivre des instants hors du temps, à la déception, et la colère, des annulations de dates.
Cette tournée 2023 – Apocalypse – était attendue. C’est sûr. Redoutée aussi. Parce que personne ne savait vraiment comment l’artiste allait réapparaître. Au talent intact ou en vieux chanteur en fin de parcours ? On en était là.
Les 20 dates clôturées par un Bercy magique et hors du temps ont apporté les réponses. Au fil des dates, les mêmes sentiments se sont fait jour. Les mêmes mots sont revenus. Sourires. Osmose. Complicité. Et re-sourires. Et re-osmose. Et re-complicité. Saez est de retour. Pour le meilleur.
Quand par le passé, on sentait sur scène une complicité teintée de tension – oui, osons le terme -, cette tournée 2023 a offert au public le spectacle d’une bande de compères heureux de jouer ensemble. Jouer. Et qui dit heureux et sincère, dit trois heures, pas moins, de totale complicité. Un Saez détendu et souriant. Les fans en connaissent la raison. Une hygiène de vie, plus saine, qui devenait presque un impératif sanitaire.
L’impression d’un concert peut refléter une exception. Lorsque les mêmes impressions se répètent sur 20 dates, ça n’en est plus une.
Alors, et maintenant ? Ce Saez 2023 a fait l’unanimité, d’une certaine manière, mais toujours avec cette œuvre, tantôt d’écorché vif, tantôt de meneur de troupes dans des Rues d’la soif envoûtantes artistiquement parlant. Les Johann Riche, désormais son accordéoniste si complice, ou Alice Botté, qui rappelons-le est aussi le guitariste d’Hubert Félix Thiéfaine, se sont targués de remerciements sur les réseaux sociaux. Les yeux dans les yeux également, sans doute. Aussi au public, en tout logique, et à celui qui se chantait il y a peu encore en Chanteur démodé. Du jamais vu, de mémoire d’observateur attentif de la carrière de Saez. C’est dire que cette tournée restera dans les mémoires.
Cerise sur le gâteau : la découverte, aux côtés de Saez, d’une Ana Moreau charismatique, elle aussi, et au talent certain. Elle vient d’ailleurs de sortir un album (“J’ai rêvé hier soir”) qui promet (énormément). Autrement dit, à écouter très vite.
La fin de l’histoire – de la tournée plutôt – appelle de nouvelles choses. D’abord des festivals. Puis une autre tournée annoncée en 2025. Et, début 2024 on l’espère, un nouveau album, triple cela va de soi, enfin… c’est le souhait de ceux qui auront vécu une magnifique parenthèse en cette fin 2023.
Avec Saez, « doit y avoir autre chose… ». C’est certain.
Texte et photo Christophe Bonnefoy
