Le commerce équitable, seulement à Artisans du Monde ?
Le directeur d’une entreprise indienne de production et commercialisation de thé bio et équitable, Santanu Sarkar, a animé la soirée Équi-thé, organisée par Artisans du Monde, mercredi 29 novembre. L’occasion de se pencher sur commerce équitable à Chaumont.
« Ma raison d’être ici est de ramener de nouvelles connaissances en Inde », a confié Santanu Sarkar, le directeur de l’entreprise de commerce équitable Tea Promoters India, lors de la conférence Équi-thé (lire par ailleurs), organisée par Artisans du Monde, ce mercredi 29 novembre, à l’espace Robert Genest. Le lendemain, il s’est d’ailleurs rendu chez des agriculteurs bio haut-marnais, meusiens et vosgiens, mais aussi au magasin de producteurs « Saison paysanne », à Neufchâteau.
Car, si à l’origine le commerce équitable vise les échanges commerciaux entre les pays dits « du sud » et « du nord », la précarisation croissante du monde agricole des pays « du nord » face à la concurrence internationale amène à l’émergence d’un commerce équitable « nord – nord ». A Chaumont, il existe un seul magasin spécialisé en commerce équitable : Artisans du Monde. Toutefois, cela ne signifie pas qu’il n’y a pas d’autres boutiques œuvrant pour un commerce plus juste.
« Ce que je n’aime pas avec les labels, c’est qu’ils sont payants », déclare Maxime Lauvergeon, le gérant du magasin Le Petit écolo. Qui s’explique : « Les savons Boukou sont faits à Auberive, par une éleveuse qui utilise uniquement le lait de ses chèvres et des huiles essentielles haut-marnaises. Sur toute la chaîne de production, tout le monde a une rémunération juste même si ses produits ne sont pas labelisés ».
Bien vérifier les labels
Bien que les magasins de producteurs, de produits locaux ou zéro déchet ne proposent pas forcément de produits labellisés « commerce équitable », leur démarche peut s’inscrire pleinement dans la Charte internationale du commerce équitable de 2018. Celle-ci stipule notamment que « chacun, à travers son travail, puisse s’assurer un mode de vie digne et décent, et parvenir à son plein épanouissement ».
Ce qui se retrouve à Esprit Paysan. « En vendant directement du producteur au consommateur, on enlève des intermédiaires. De fait, la rémunération est plus élevée. C’est une forme commerce plus équitable », déclare Olivier Leseur, président d’Esprit Paysan Chaumont et éleveur bovin. Il souligne également des bénéfices dans la pratique de son métier. « Je suis heureux de savoir que mes vaches ne parcourent que 25 km. Je suis aussi fier de présenter mes produits au client. Mentalement, cela fait beaucoup de bien. »
Des magasins de produits locaux peuvent parfois être plus proches des valeurs du commerce équitable que certains labellisés, à l’image des maraîchers pratiquant une agriculture biologique sans être « bio » face au producteurs bio d’Espagne. C’est le cas du label le plus représenté dans les rayons de supermarché : « Fairtrade Max Havelaar ».
Ce dernier labélise indifféremment les petits producteurs et les gros propriétaires ayant recours à une main d’œuvre salariée. Aussi, les produits labellisés peuvent l’être avec uniquement un ingrédient issu du commerce équitable. Des pratiques ayant conduit des marques et des producteurs à le délaisser. C’est d’ailleurs de cette manière qu’est né en Amérique latine le label « Producteurs Paysans », le premier label entièrement géré par des producteurs.
Julia Guinamard
Le thé de la graine à la tasse
Majoritairement produites en Inde et en Chine, des productions de thés existent partout dans le monde, même dans le nord de l’Europe, en Ecosse, sur l’île de Mull. Pour se lancer dans la production de thé, mieux vaut s’armer de patience. Un arbuste théier met une dizaine d’années à pousser. Il se récolte ensuite quatre fois par an.
« La cueillette est très minutieuse, il faut sélectionner uniquement les feuilles du haut », a expliqué Santanu Sarkar, dirigeant de Tea Promoters India, lors de la conférence. Une procédure ne pouvant pas être mécanisée et qui nécessite une main d’œuvre importante. Les feuilles de thé passent ensuite l’étape du flétrissage pour être déshydratées. Puis celle du roulage, qui permet de libérer la sève et les jus de la plante, celle de la fermentation et enfin celle du séchage. « C’est une plante qui n’a pas de bonne ou mauvaise année », a souligné Santanu Sarkar.
Le commerce équitable pour une vie décente
Grâce au prix supplémentaire payé par les consommateurs, Tea Promoters India rémunère ses ouvrier 400 roupies par jour (environ de 4,5 €) alors que le gouvernement fédéral indien encourage les Etats à ne pas fixer le salaire minimum à moins de 66 roupies par jour (0,72 €).
L’entreprise assure également à ses employés l’accès à des infrastructures en construisant des habitations, des écoles, des hôpitaux ou encore des toilettes. Un autre projet consiste à fournir des gazinières, ce qui permet de limiter les décès prématurés et maladies causées par la pollution de l’air intérieur induite par la combustion du bois.