Immobilier : les taux se resserrent sur les primo-accédants
Avec une moyenne de 4,5 %, les taux d’emprunt sont suffisamment hauts pour que les banques ne prennent pas le risque de prêter. Si les agents immobiliers jonglent avec cette donne, ils sont les premiers à déplorer le fait que les primo-accédants sont pénalisés.
Jeune cadre, célibataire, exerçant au Luxembourg avec un salaire mensuel de 4 000 €, souhaitant acheter un bien immobilier à Saint-Dizier. Avec ce profil, en théorie, le souhait de devenir propriétaire ne semble pas inaccessible. Pourtant, la banque lui a refusé le prêt. Une situation que l’intéressé a raconté à Romain Moreau, gérant de l’Agence du propriétaire. Avec un taux d’emprunt médian de 4,5 % – « 4,2 % lorsque c’est bien négocié par nos courtiers », dixit Karine Diliberto, présidente de la SAS Skan-Orpi – la situation a changé, en quelques mois, et ce sont les primo-accédants qui en font les frais.
Les vendeurs en attente
« Après le Covid, en 2021 et début 2022, tout le monde a acheté tout, n’importe quoi et à n’importe quel prix », poursuit Karine Diliberto. « On était à des taux inférieurs à 1 % il y a quelques mois, ça change la donne », appuie Déborah Philippe, conseillère en immobilier en entreprise indépendante pour le réseau IDLR. En même temps que les taux ont augmenté, le prix des matériaux, notamment pour la rénovation, a explosé et les acheteurs ont subi le durcissement des règles du DPE (diagnostic de performance énergétique) au 1er juillet 2021.
Karine Diliberto estime que la conséquence de tout cela, c’est que les primo-accédants sont bloqués : « D’un côté, on a les vendeurs qui sont en attente que « ça reparte », qui veulent faire une plus-value sur leur résidence principale, ce que l’on ne fait plus et de l’autre, ceux qui peuvent encore acheter, à savoir des retraités qui ont beaucoup d’apport ou des 25 – 35 ans avec une situation financière correcte et un apport. »
« Le revenu ne suffit pas… »
Si les banques ne s’émeuvent pas de prêter peu ou pas, les agents immobiliers se retrouvent avec de beaux biens non pourvus dont ils doivent suggérer aux vendeurs de baisser le prix. Sur un bien récent, de 150 m2 sans mitoyenneté à Saint-Dizier, Romain Moreau a vu son annonce passer de 250 000 à 171 000 € en quelques mois. Mécaniquement, quand les acheteurs ne peuvent pas acheter, le prix baisse. « Celui qui doit faire l’effort, c’est le vendeur », constate Karine Diliberto, qui dénonce le fait que, « aujourd’hui, le revenu ne suffit pas, c’est aberrant ». Raison pour laquelle Romain Moreau reçoit très peu de primo-accédants. Une situation effrayante selon lui pour la génération Z, surtout lorsqu’il rappelle que « le premier crédit, la confiance initiale de la banque, c’est toujours le plus dur à avoir. »
Pragmatique, l’agent immobilier sait que son métier vit au rythme des cycles. Déborah Philippe s’adapte également. Dans ses ventes de l’année 2023, elle a tout de même eu quelques primo-accédants, ainsi que des retraités qui reviennent à Saint-Dizier et des personnes seules, fraîchement séparées. Deux signatures de compromis l’attendent la semaine prochaine. « On espère juste que les taux vont stagner », conclut Karine Diliberto.
N. F.