À Châteldon, une gratuité partielle qui a fait baisser la consommation
Tarification. Rendre les premiers mètres cubes d’eau, soit le minimum vital, gratuits, puis instaurer une tarification progressive. C’est ce qu’a proposé la commune de Châteldon à ses administrés entre 2005 et 2020. La municipalité avait alors constaté un vrai impact sur la consommation des habitants.
A Châteldon, commune du Puy-de-Dôme qui compte environ 800 habitants, on a bien compris que l’eau ne coule plus à flots. Le bourg est alimenté en eau via la nappe alluviale de l’Allier, qui bénéficie de la retenue du barrage de Naussac qui a tendance à se tarir. Il faut aussi compter la trentaine de hameaux environnants, alimentés par des sources. Sources qui ont toujours été suffisantes, sauf lors de la canicule de 2003. « C’est la première fois qu’il y a eu un ravitaillement par camions citernes. C’est à ce moment-là qu’on a pris conscience que l’image de l’Auvergne comme château d’eau de la France était derrière nous », explique Tony Bernard, le maire de la commune.
La municipalité a alors souhaité que la population change de regard sur l’eau. « Le conseil municipal a voulu aller vers une prise de conscience par la tarification. L’eau n’est pas surabondante et on ne peut pas en fabriquer. Pourtant, elle est indispensable à la vie. Il faut donc garantir la qualité et la quantité en gérant la rareté », poursuit l’édile. La municipalité a donc repensé sa tarification en proposant un accès à l’eau gratuit, au moins pour les besoins vitaux, à savoir boire, cuisiner. Concrètement, la grille tarifaire se présentait ainsi : 0 € pour une consommation de 0 à 9 m3, 0,87 € par mètre cube de 10 à 49 m3, 1,15 € par mètre cube de 50 à 199 m3, 2,15 € par mètre cube de 200 à 249 m3 et 2,85 € par mètre cube pour une consommation au-delà 250 m3.
Faire payer les excès au prix fort
« Nous avons considéré que la progressivité devait s’accélérer au-delà de 200 m3 par an et par foyer. C’est déjà beaucoup, la moyenne étant de 120 m3. L’objectif était donc de dissuader les consommations excédentaires avec une hausse tarifaire accrue. Le surcoût permettant par ailleurs de financer les mètres cubes gratuits. » Cette gratuité n’impliquait donc aucun coût supplémentaire pour la commune de Châteldon. Ce sont les mauvais usages qui payaient les bons usages. « Remplir plusieurs fois sa piscine l’été par exemple, c’est un luxe dont on peut se passer, ou alors on le paye au prix fort. »
Exit donc le tarif unique pour l’eau, place à la progressivité du coût. Une initiative présentée ensuite aux administrés. « Les gens ont commencé à regarder leur consommation pour voir dans quelle tranche ils se situaient. On s’est rendu compte que 80 % avaient une consommation raisonnable. Pour beaucoup, la mesure a été indolore, voire profitable », poursuit Tony Bernard. Et le dispositif semble avoir rempli ses objectifs, car la consommation moyenne par habitant a baissé de 15 % dès la première année. « Nous avons instauré un état d’esprit. Les habitants ont maintenu leurs efforts durant toutes les années qui ont suivi. On instaure une vigilance permanente à rester dans les bonnes tranches », affirme le maire de Châteldon.
Disparition de la gratuité en 2020
En 2020, la commune de Châteldon intègre le Syndicat intercommunal eau et assainissement (SIEA) Rive droite de la Dore. Ce qui implique une modification de la politique tarifaire sur l’eau. L’idée de progressivité ne change pas, mais il n’est plus possible de proposer la gratuité sur les premiers mètres cubes d’eau. « Lorsqu’il était à trois communes, le syndicat avait un budget qui lui permettait de se passer de la TVA. Lors du passage à six communes, on a franchi un seuil en nombre d’abonnés qui a imposé qu’on applique la TVA. Or, nous ne sommes pas certains de pouvoir appliquer la TVA sur une tranche à zéro euro », détaille Tony Bernard. La question a donc été mise entre parenthèses, le temps de faire des analyses juridiques.
En attendant, depuis 2020, une nouvelle grille s’applique : 1,38 € pour une consommation de 0 à 70 m3, 1,40 € par mètre cube de 71 à 120 m3, 1,69 € par mètre cube de 121 à 200 m3 et 2,00 € par mètre cube pour une consommation au-delà de 201 m3. Pour compenser la disparition de la tranche à 0 €, le syndicat a réduit son abonnement de 50 à 40 €. Mais l’idée de progressivité du coût, elle, demeure et semble toujours inciter les habitants à économiser l’eau. « Si on ne poursuit pas les efforts, la sanction viendra de la nature », conclut Tony Bernard.
Thomas Loret, La Montagne