Pédopornographie : des centaines de milliers de documents accumulés
En mai 2020, les gendarmes découvraient près de 200 000 documents à caractère pédopornographique dans le cadre d’une perquisition menée au domicile d’un habitant du canton de Bourmont. La personnalité du prévenu fut au cœur des débats.
En janvier 2020, les fonctionnaires en charge de la Plateforme d’harmonisation, d’analyse, de recoupement et d’orientation des signalements (Pharos) étaient alertés de la publication sur le site jeuxvideo.com d’une photographie présentant « un jeune adolescent en érection ». Les investigations menèrent, en mai 2020, à une perquisition opérée, dans un village du canton de Bourmont, au domicile d’un homme alors âgé de 38 ans. Des investigations techniques permirent de découvrir et exhumer près de 200 000 documents à caractère pédopornographique. « Le fruit de cinq années de recherches » menées par un homme passant quotidiennement « entre cinq et six heures » devant son ordinateur.
Damien Maille télécharge et partage des fichiers tout en échangeant avec des amateurs de contenus à caractère pédopornographique. Le trentenaire converse également avec des adolescents via des sites de messagerie en ligne. Monsieur envoie des photographies de sa verge. Des adolescents lui adressent en retour des captations de la même teneur. Les goûts de l’internaute sont précis. Photographies et vidéos présentent majoritairement des scènes à caractère sexuel entre des mineurs de sexe masculin. « Quand il y avait des adultes avec des mineurs, j’effaçais ». Damien Maille reconnaît une attirance pour les adolescents suite à une relation amoureuse entretenue dans sa jeunesse (lire par ailleurs). Impressions de photographies en main, le président Morelière renvoya le prévenu à une réalité : si des adolescents figurent sur de nombreux documents, d’autres présentent des enfants de moins de dix ans.
Risque de passage à l’acte ?
Le prévenu contribue aux activités de particuliers ou de réseaux internationaux exploitant des mineurs abusés. « Je sais que les adolescents sur ces vidéos ne sont pas tous consentants ». Au-delà de cet aspect se pose la question d’un éventuel passage à l’acte. Isolé socialement, enfermé dans un monde virtuel, le prévenu aime regarder, il fut question de « beauté du corps », des corps d’adolescents. Aucun élément ne tendrait, selon un psychiatre, à attester de la volonté d’entretenir une relation charnelle avec un mineur. « Je sais que c’est interdit, j’ai déjà refusé des propositions ».
Les investigations n’auront pas mis au jour la moindre tentative de passage à l’acte. Damien Maille répète en avoir fini avec ses mauvaises habitudes, une prise de conscience serait intervenue, « ce que j’ai fait, c’est mal ». Le prévenu s’est éloigné de son ordinateur. « C’est fini, maintenant, je jardine ». Simple posture ? Allez savoir…
Problématique médicale
« Monsieur dit avoir compris, mais a-t-il réellement compris ? » Un début de réponse à la question du procureur Cecoltan fut apporté : aucun signalement n’a été émis depuis l’interpellation du prévenu. Ces trois dernières années, aucun réel suivi médical n’a pu être mis en place, « faute d’argent », notamment. Procureur et avocate de la défense en convinrent, la problématique est pourtant d’ordre médical, un psychiatre a conclu à l’altération du discernement d’un malade souffrant de « schizophrénie ». La responsabilité pénale du prévenu n’est pas pleine et entière.
L’altération du discernement pointée par le corps médial fut retenue par le tribunal. Décision ? Condamné à douze mois de prison ferme, peine aménagée sous la forme d’une Détention à domicile sous surveillance électronique (DDSE), le quadragénaire est appelé à se soumettre à un suivi socio-judiciaire comprenant une injonction de soins. Inscrit au Fichier judiciaire automatisé des auteurs d’ie condamné, devra, en outre, veiller à ne pas entrer en contact avec des mineurs. Le moindre manquement à ces impératifs serait sanctionné à hauteur de trois ans de prison ferme.
T. Bo.
Misère, misère…
La vie des autres, plus moche la vie, misère sociale, intellectuelle et sexuelle… Point de voyeurisme. La réalité, crue. Le prévenu n’a pas connu son père. Son beau-père passait ses colères sur lui. « Ma famille, je l’ai reniée ». Le prévenu fut placé. L’espoir pointa le bout de son nez. Titulaire de deux Brevets d’aptitude professionnelle (BEP), ce natif de la Marne a intégré l’armée, le militaire fut médaillé avant de sombrer dans l’alcool et d’être orienté, en 2011, vers un Établissement et service d’aide par le travail (Esat).
« Fauché par une moto », reconnu adulte handicapé, le prévenu se raccroche à sa vie de couple. « Un ami qui m’avait protégé de mon beau-père a eu un cancer, il m’a demandé de veiller sur sa femme, j’ai aidé cette femme et des sentiments sont nés ». Un amour miné par le passé de chacun. Adolescente, la compagne du prévenu est tombée enceinte de son père.
Installé dans le canton de Bourmont, le couple s’est isolé, Damien Maille a trouvé Internet pour refuge. Un semblant de vie sociale, des échanges avec des « amis », des inconnus, élections aux Etats-Unis ou mouvement dit des Gilets jaunes animent les conversations. Internet est également pour le prévenu le moyen de se remémorer un amour de jeunesse. Un amour entre adolescents. « Il était plus jeune que moi, je l’ai quitté quand j’ai eu 18 ans, ma tante m’a dit qu’à 18 ans, je n’avais pas le droit d’avoir une relation avec un mineur ».
Coupé de la réalité, dans son monde, isolé, Damien Maille a compulsivement accumulé photographies et vidéos, consulter ces documents, c’était ses petits moments de plaisir. Un réel suivi médical n’a à ce jour pas pu être mis en place. Se soigner, c’est parfois compliqué, rappela Me Lalloz. « Monsieur n’a pas le permis, il a payé 120 euros de taxi pour venir aujourd’hui, suivre des soins est difficile quand on n’habite pas en ville ».