Jérôme Goeminne, un dernier au revoir avant le départ
Après quasiment sept années à la tête du Groupement hospitalier Cœur Grand Est, Jérôme Goeminne vient de quitter ses fonctions de directeur pour en prendre de nouvelles en Seine-et-Marne. Lundi 20 novembre, l’heure était au bilan.
Le temps est passé et beaucoup de choses ont changé ces dernières années pour l’hôpital de Saint-Dizier ainsi que pour les autres établissements du Groupement hospitalier Cœur Grand Est. À l’œuvre, des équipes menées par Jérôme Goeminne qui endossait, jusqu’à ces derniers jours, le rôle de directeur. En amont de son départ pour la direction du Grand hôpital de l’Est Francilien, en Seine-et-Marne, et à l’occasion d’un dernier pot de départ réalisé à l’hôpital Geneviève-de-Gaulle-Anthonioz, le cadre de santé a pris le temps de jeter un coup d’œil dans le rétroviseur après près de sept ans de direction.
Jhm quotidien : Lorsque vous êtes arrivé à la tête du GHT Cœur Grand Est, vous vous êtes fixé plusieurs objectifs, pensez-vous les avoir remplis ?
Jérôme Goeminne : On a quasiment tout rempli. Après, il y a d’autres difficultés qui sont apparues. On est arrivés, il y avait un tiers des établissements du GHT qui ne savaient plus payer leurs factures et leurs personnels. Ils étaient en rupture totale de trésorerie. Dedans, il y avait Saint-Dizier, Verdun, Vitry-le-François. Les trois avaient énormément de dettes. Concrètement, Saint-Dizier a été à l’équilibre ou excédentaire entre 2020 et 2022. Là, en 2023, c’est plus difficile parce qu’il y a la crise économique. Verdun a une trajectoire de retour à l’équilibre, il n’y a plus qu’un faible déficit et Vitry-le-François est excédentaire depuis 2020 ou 2021. En ce qui concerne les autres établissements, tous ont continué à consolider leur situation. Le deuxième gros défi a été de mettre en place une gouvernance médicale et territoriale. On l’a créée et nous sommes vus comme l’un des GHT les plus avancés de France en la matière !
Jhm quotidien : C’est-à-dire ?
J.G : Chez nous, ce sont les médecins et les soignants qui décident de la stratégie, des investissements, des remplacements et des formations.
Jhm quotidien : Avez-vous des regrets, des missions que vous auriez aimé accomplir ?
J.G : Il faut qu’on aille plus loin dans la gouvernance médicale. Les pôles territoriaux fonctionnent, les présidents de CME (Commission médicale d’établissement, ndlr) et l’encadrement paramédical aussi, mais il faut qu’on délègue maintenant jusqu’aux services. Les unités qui décident sont encore de trop gros maillons. Il faut qu’on descende encore plus bas. Il y a aussi la certification, on n’a pas terminé. Lorsqu’on est arrivés, un tiers des établissements étaient certifiés D, dont Verdun, Saint-Dizier et le CH de la Haute-Marne. Or, en France, c’était moins de 5% des établissements. Au moment où on parle tout le monde est certifié équivalent B++ ou A. Pour le CH de la Haute-Marne, on a fait 80-90% du chemin, mais il ne l’est pas complètement. On espère qu’il le sera dans six mois, mi-2024.
Jhm quotidien : Si on regarde un peu en arrière, durant votre période de direction, l’hôpital est passé par diverses tempêtes, dont la pandémie. Comment s’en est-il sorti ?
J.G : Fatigué. Tous, de la direction, jusqu’aux agents d’entretien, en passant par les soignants et les médecins. En 24 h, on avait doublé les appels au Samu, on avait doublé les entrées aux urgences et en deux semaines, on avait transformé un tiers de nos lits pour des patients durement touchés par le Covid. On faisait des cellules de crise trois fois par jour, week-end compris. L’hôpital a tenu parce qu’il y a une très grande qualité des professionnels qui travaillent.
Jhm quotidien : Il y a aussi eu la cyberattaque en 2022… Comment se passe l’après ?
J.G : Il nous reste encore à ouvrir tous les flux extérieurs, c’est-à-dire, vous ne pouvez pas ouvrir une application lambda sans avoir eu l’autorisation en central. Ça devrait avoir lieu avant la fin de l’année et après, on sera revenu au fonctionnement antérieur. Ce qui est important pour nous car, je le rappelle aussi, on est le premier GHT de France à avoir lancé un dossier de patient numérique unique sur le territoire. Pour l’instant, il est déployé à Verdun et Bar-le-Duc. C’est 14 millions d’euros d’investis.
Jhm quotidien : Quand prendrez-vous vos fonctions au Grand hôpital de l’Est Francilien ?
J.G : Le 1er décembre. Je suis très content. Ils ont aussi mis en place une gouvernance médicale et territoriale comme ici. Ma première ambition, c’est de continuer le mouvement de médicalisation et de délégation. Faire ce que je n’ai pas eu le temps de faire ici.
Jhm quotidien : Connaissez-vous le nom de votre successeur ?
J.G : Non. Le processus veut qu’une liste courte des candidats soit établie par le Ministère (de la santé ndlr). Elle doit ensuite voir les présidents de CME, les présidents du conseil de surveillance et l’ARS. Et après ça remonte au national pour qu’une dernière instance fasse, elle aussi, office de jury. Tout ceci doit permettre d’avoir le nom du nouveau directeur avant les vacances de Noël. S’ils tiennent ce délai, il sera probablement là en mars-avril. Je lui souhaite de réussir, de continuer et de faire mieux. Parce qu’on peut toujours faire mieux.
Quel avenir pour l’hôpital de Wassy ?
Lors de l’entretien bilan, Jérôme Goeminne a pu également évoquer les décisions prises quant au futur de l’hôpital de Wassy, menacé de fermer en 2022 : « On va réussir à maintenir toutes les activités, tous les emplois et tous les lits. C’est acté par les conseils de surveillance et par l’ARS. Parce qu’on fait une réorganisation. Plutôt que de tout centraliser à Saint-Dizier, on a fait le choix de garder tous les lits sur les trois sites, mais répartis autrement. Ainsi, ceux de médecine et de réadaptation seront à Montier-en-Der, des lits de réadaptation seront aussi à Joinville, et les lits d’Ehpad seront à Wassy. Des lits d’Ehpad sont encore présents à Joinville et Moniter-en-Der. Des travaux pour permettre cette opération ont lieu. »
Une attractivité à renforcer ?
Si le dorénavant ancien directeur du Groupement hospitalier Cœur Grand Est note, à Saint-Dizier, des « effectifs quasi-complets » sur toutes les spécialités médicales et paramédicales, il émet une mise en garde sur l’ensemble du groupe. « Il faut rester vigilant. Là où c’est difficile, c’est sur le versant psychiatrique du CH de la Haute-Marne parce qu’il attire moins. C’est pareil à Saint-Dizier, Bar-le-Duc et Verdun, mais aussi dans toute la France », explique Jérôme Goeminne. Avant d’ajouter, tout en relativisant : « On est aussi en difficulté de manière générale sur le site de Wassy. C’est ce qui nous avait d’ailleurs poussé à fermer des lits. Globalement, on a des difficultés pour attirer. Mais elles sont moindres que pour le reste du Grand Est et de la France. »