Bonnes feuilles d’automne des libraires chaumontais
Bienvenue chez les libraires. On y parle à voix basse pour ne pas réveiller les livres, une sage retenue s’impose dès le pas-de-porte passé comme on entre en cathédrale… Pourtant, ce vendredi matin, on s’y active comme à la ruche, et on a causé haut des coups de cœur littéraires des Chaumontais.
Chez James Hugueny, (Apostrophe), se démarquent Sorj Chalandon avec “L’enragé”, puissante évocation du bagne pour enfants, Pierric Bailly et “La foudre”, électrique histoire d’amour sur fond de grands espaces. François Bégaudeau avec “L’amour”, dont le sujet est lui aussi dans le titre, et Eric Reinhart, avec “Sarah, Suzanne et l’écrivain”, roman profondément féministe, se vendent bien également. En littérature étrangère, Louise Erdrich avec “La sentence” captive les lecteurs. L’histoire d’une Amérindienne condamnée à 60 ans de prison par un juge qui croyait en l’au-delà…
Romans et polars, indétrônables
Chez Océane Boutteville, conseillère “A la une”, le roman de Mélissa Da Costa, “Les femmes du bout du monde”, voyage dans la stupéfiante beauté de la Nouvelle-Zélande, se vend comme un petit pain. Autre incontournable, “Atlas”, de Lucinda Riley, ultime volume d’une saga phénomène, 50 millions d’exemplaires vendus. Chez Gilles Tran, Le Pythagore, les bulles prospèrent. “Les tuniques bleues”, “Black et Mortimer” ou “Le Marsupilami” n’ont pas eu à souffrir de l’indéfectible affection des Chaumontais pour le petit gaulois à moustache. Globalement, les polars se vendent bien, grâce aux indétrônables Ken Follett, Fred Vargas, Franck Thilliez et autre Maxime Chattam.
Les ados plébiscitent le “New Romance”
Les mastodontes tels Marc Lévy ou Amélie Nothomb ne connaissent pas la crise, tout comme Danièle Steel, 76 ans, qui publie pas moins de quatre romans en 2023. Stephen King et Bernard Werber n’ont pas de soucis à se faire, les Chaumontais ne s’en lassent pas non plus. Les ados, eux, plébiscitent particulièrement le genre “New romance”, mouvance sur fond d’histoires d’amour époque lycée, et la “romantaisie”, où le fantastique côtoie les premiers émois. Les mangas restent une valeur sûre, du plus sage au plus “gore”. Au rayon bambin, ça ne rigole pas tant que ça. Le ludique, oui, mais surtout l’apprentissage. « Dès 5 ou 6 ans, l’aspect ludique se doit de rejoindre les premiers acquis scolaires. On a aussi beaucoup d’ouvrages qui collent aux faits de société, les enfants sont curieux de comprendre. Parfois, ils ont des marottes, les planètes ou encore la Seconde Guerre mondiale. On peut aborder Robinson Crusoé comme Platon, dès 8 ans », détaille Laurine Leseigneur, d’Apostrophe.
Pêle-mêle
Notons que, et ça n’engage que Chaumont, l’eau de rose ne fait plus recette, pas plus que les classiques. « De temps en temps, on me demande un Romain Gary, un Hemingway, tel un égarement. Une fois l’an, quelqu’un va vouloir découvrir Proust et repartir avec toute la collection. Mais c’est rare », note James Hugueny. Requérir un exemplaire des “Correspondances” de Flaubert passerait presque pour un acte militant. La littérature locale se vend ponctuellement, les récits politiques ou les biographies nécessitent une tête d’affiche pour décoller, la philo et la poésie restent des “produits de niche”.
En résumé, si comme le disait Aragon, « La lecture d’un roman jette sur la vie une lumière », les Chaumontais ne sont pas près d’être dans le noir.
Elise Sylvestre
e.sylvestre@jhm.fr
Ils l’ont dit
• « Je dois dire que Pass Culture a été une bonne chose. Les jeunes se font plaisir », note Gilles Tran du Pythagore. Les chèques culture alloués de 16 à 18 ans (de 30 à 300 €) par l’Etat ont visiblement ramené les jeunes en librairie.
• Océane Boutteville (A la une) rappelle quant à elle que « la loi Darcos, entrée en vigueur en octobre, et imposant des frais de livraison aux vendeurs de livres neufs sur Internet, a ramené du monde en boutique ».