Le « carré des indigents » au cimetière Saint-Aignan de Chaumont
Depuis 1991, on ne dit plus « carré des indigents » mais « Division à caveaux de terrain commun ». Le principe reste le même. A défaut d’identification, de ressources financières ou familiales, le défunt est inhumé anonymement aux frais de la mairie.
Section T, cimetière de Saint-Aignan, en bas de Chaumont. « Carré des indigents », 52 sépultures à ce jour. Huit pour l’année 2023, dont deux défunts inhumés dans la plus parfaite solitude. Les six autres, entourés de rares connaissances, amis, ou membres de la famille passeraient presque pour « chanceux ». Sujet sensible pour Raphaël Naulot, conservateur des trois cimetières chaumontais : « Je suis systématiquement présent en cas d’inhumation section T, accompagné des porteurs des pompes funèbres. On ne s’habitue pas, c’est dur ». Dès lors que l’inhumation est prise en charge par la mairie, plus d’autorisation postérieure pour d’éventuels proches d’ériger un monument : « il leur faudrait alors racheter la concession », détaille Raphaël Naulot. Autant dire que l’ornement section T se résume au minimum. « Parfois, on retrouve une croix, des jardinières… Il y a du passage malgré tout. On laisse faire. », assume le conservateur.
Modestes preuves d’amour ou de mémoire
Déposées, des croix, de bois le plus souvent, des fleurs en plastique dites éternelles, mais aussi des plaques faites à la main, des dessins d’enfants, des bougies. Modestement les preuves d’amour ou de mémoire fleurissent malgré « la dèche » et l’anonymat de rigueur. La poésie s’invite, opiniâtre, dans ce décor de troisième classe. Parfois, rien qu’un dôme de cailloux blancs, comme une page blanche qui a trouvé son sujet mais pas d’écrivain.
Le délai pour solliciter l’exhumation d’un défunt pour rejoindre une sépulture traditionnelle est de cinq ans, après quoi les restes sont envoyés au crématorium avant dispersion au jardin du souvenir. « Ici, à Saint-Aignan, certains sont là depuis 30 ans. Tant qu’il y a de la place… » constate Raphaël Naulot.
Si, lors d’un recueillement privé, pointe l’envie de penser aux oubliés, direction section T.
E. S.