Clément Gy, l’homme qui dessine les arbres
Peinture. Actuellement en résidence à la Maison Laurentine d’Aubepierre-sur-Aube, l’enfant de Marac Clément Gy couche sur papier « l’extraordinaire esthétique du banal » que ce soit à Paris ou dans la campagne haut-marnaise. Il s’intéresse aussi aux arbres, en plein cœur du Parc national de forêts.
Il dessine quotidiennement comme d’autres font leur footing matinal. Comme un capitaine de navire, il consigne sur ses carnets, par ses dessins en noir et blanc, les éléments de chaque journée où il croise « l’extraordinaire esthétique du banal » offert par des paysages ou des objets qui l’ont touché. Celui qui nous emmène ainsi voguer, au gré de ce que notre œil ne saurait peut-être plus voir, c’est Clément Gy.
« Le véritable voyage ne consiste pas à chercher de nouveaux paysages, mais à avoir de nouveaux yeux », disait Marcel Proust. Justement, ces nouveaux yeux, ce nouveau regard, Clément Gy nous propose de les obtenir par le biais de ses encres sur papier. Une pomme de pin, un vieux tracteur stationné au coin d’une rue d’un village haut-marnais, un vieux moulin à café, viennent ainsi noircir les cahiers de Clément Gy au même titre que les toits de Paris, qu’une rue de Ménilmontant, des paysages urbains et des paysages ruraux.
Justement, nous y voilà à ces paysages ruraux que Clément Gy croque actuellement dans le cadre de la résidence artistique à la Maison Laurentine d’Aubepierre-sur-Aube. Financée par la Région Grand Est et le ministère de la Culture, cette résidence a débuté en 2022 et se terminera en 2024.
Une fresque panoramique depuis le clocher d’Aubepierre
Déjà, une partie du travail de cette résidence est visible sur le parvis de l’église d’Aubepierre-sur-Aube. « Mon ambition a été de dessiner une fresque depuis le clocher du village montrant une vue panoramique à 360° du village. Ce point de vue unique à une dizaine de mètres du sol permet de redécouvrir ce village et son paysage environnant sous un regard nouveau. Les dessins ont été scénographiés sur une structure offrant aux habitants une expérience immersive de redécouverte de leur environnement », explique l’artiste qui durant ce travail a entendu “l’histoire sourde du lieu”.
Justement cette “histoire sourde” est en quelque sorte le trait d’union avec son autre projet : celui de rendre hommage aux arbres qui peuplent notre environnement local. « Accompagnant parfois les monuments remarquables, les croisements routiers, souvent sur les places de village, tantôt choyés ou maltraités, ces arbres portent en eux un potentiel narratif qui raconte le lien étroit que l’homme lie avec le règne végétal. » Clément Gy va donc nous donner à voir et à entendre l’histoire de ce peuple végétal.
Dessine-moi un arbre…
Cette phrase pourrait presque faire référence au célèbre « Dessine-moi un mouton » du Petit Prince. Une phrase qui permet indirectement d’accuser les Hommes sur leur perception du monde quand ils deviennent adultes et/ou aveugles. Clément Gy ne dessine pas les moutons mais les arbres, mais la finalité est peut-être la même.
Ces monuments de la nature feront d’ailleurs l’objet d’une exposition qui se tiendra en 2024 au sein de la Maison Laurentine à Aubepierre-sur-Aube. « Un arbre a autant de valeur qu’une cathédrale gothique par exemple », estime l’architecte.
Partant de cette évidence parfois oubliée, il souhaite nous offrir la possibilité de refaire connaissance avec ce patrimoine indispensable à la vie de l’homme.
Comment s’y prend-il ? « J’ai demandé à onze personnes* du territoire de raconter leur arbre préféré, celui qui est remarquable pour eux. J’ai enregistré le témoignage de ces huit hommes et trois femmes qui donnent à entendre une grande diversité d’approches. Cette approche peut-être scientifique, émotionnelle, historique ou encore médicinale. » A ce recueil de paroles d’expert et/ou d’amoureux des arbres viendra se joindre le dessin de l’arbre en question. « La partie audio de la future exposition permettra d’apporter des éléments de contexte à chaque dessin. Faisant ainsi office de sous-titrage qui permettra de plonger d’auditeur dans l’ambiance forestière. Cette exposition sera aussi le moyen de valoriser les savoirs scientifiques et la sensibilité de certaines personnes au vivant afin de mieux le préserver. »
De notre correspondante Catherine Jeanson
* Les onze personnes interviewées par Clément Gy sont : Samuel Stolarz, Guillaume Mouton, Jean-Michel Cavin, Pierre Denis, Florence Cordette, Sylvie Meilley, Jean-Jacques Boutteaux, Alexandra Henrissat, Bernard Didier, Gérard Colonges et Jean-Yves Goustiaux.
Clément Gy : qui es-tu ?
Agé de 33 ans, Clément Gy a déjà un beau parcours derrière lui. “Le petit gars du coin” – puisqu’il est originaire de Marac – a déjà arpenté nombre de territoires qui ont nourri son être et sa double pratique : l’architecture et le dessin. Une fois le bac en poche après des études au lycée Diderot, il file du côté de Belfort où il obtiendra, avec une mention très bien, un DUT carrières sociales option Gestion urbaines. Puis ce sera à Paris Belleville, qu’il obtiendra une licence puis un Master (avec encore une mention très bien) et une Habilitation à maîtrise d’œuvre en son nom propre (HMNOP) à l’École nationale supérieure d’architecture. Sans oublier un petit intermède en 2013 où il part en Ecosse, à la Glasgow Scholl of Art. Architecte au sein de l’agence Encore Heureux dont le siège est à Paris et où il réside, Clément Gy s’est déjà bien illustré dans cette discipline. Quelques exemples au passage : en septembre 2018, il est lauréat du concours de la rénovation de la brasserie de la Tour Eiffel ; deux ans auparavant, il avait déjà été le lauréat du concours “Scénographie Futur-en-Seine 2016”.